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Avis d Experts

A qui sont ces canalisations qui serpentent dans le sol ?

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La question de la propriété, commune ou privative, des canalisations se trouvant dans un lot privatif de copropriété n’a rien de simple pour le juriste !

La question se pose parfois de la nature commune ou privative de canalisations à l’intérieur des lots privatifs, encastrée ou non.

Les principes sont ceux posés par la loi du 10 Juillet 1965 :

- l'article 2 dispose que sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminée.

Les parties privatives étant la propriété exclusive de chaque propriétaire.

- l'article 3 dispose que sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux.

Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées parties communes :

- le sol, les cours, les parcs, les jardins, les voies d'accès.

- le gros œuvre des bâtiments, les éléments communs, y compris les parties de canalisations y afférentes qui traversent les locaux privatifs.

Ainsi, le principe posé par la loi est que, par exemple, les parties de canalisations de chauffage collectif sont de nature commune, y compris à l'intérieur des parties privatives.

Mais, cela se conçoit dans le silence ou la contradiction des titres.

Supposons un règlement de copropriété qui déroge à la loi, pour prévoir que sont parties communes :

- les conduites principales de toute nature, eau, gaz, électricité, évacuations des eaux pluviales, ménagères, de bain, des chutes de water-closet, la canalisation du tout-à-l'égout, les canalisations de chauffage (exception faite pour les parties de ces canalisations et conduites se trouvant à l'intérieur de chaque appartement ou local, ou affectées à leur usage exclusif et particulier).

Et qui dit que les parties privatives de l'immeuble sont :

- ... les canalisations intérieures.

La conjugaison des deux articles laisse donc apparaître que les canalisations de chauffage, à l'intérieur des lots, sont privatives.

La question est donc de savoir si le fait qu'elles soient encastrées ou pas a une incidence.

A cet égard, un arrêt du 21 Mars 2000 de la Cour de Cassation (98.16178) avait analysé un règlement de copropriété qui rangeait au nombre des parties communes les canalisations de toute nature d'utilité commune, mais non les appareils et parties de canalisation, conduites ou tuyaux affectés à l'intérieur de chaque lot à l'usage exclusif et particulier de celui-ci, et d'autre part, au nombre des parties privatives les tuyauterie de branchement des appareils sanitaires et autres jusqu'aux canalisations principales.

La Cour de Cassation, en un tel cas, a estimé qu'était privative la portion de canalisation de chauffage central, même encastrée dans le plancher, issue de la conduite principale pour desservir un lot particulier.

Il n'y a donc là aucune ambiguïté, apparemment...

Mais le plus souvent le règlement de copropriété prévoit que sont communs :

- les gros murs de façade et de côté.

- les murs de refend.

- le plancher.

En un mot, toute la structure du bâtiment.

A cet égard, arrêt de la Cour de Cassation du 1er Juillet 2003(01-03430) avait cassé un arrêt de Cour d'Appel, qui avait considéré comme privative une canalisation encastrée au motif que le plancher était qualifié de partie commune, dans le règlement de copropriété et que la question se posait de savoir si la canalisation qui était encastrée n'était pas elle-même une partie commune.

Et c’est là toute la subtilité de la chose !

Si la canalisation est encastrée dans le gros oeuvre, elle pourra être considérée comme partie commune même si les canalisations intérieures sont dites privatives.

Dire qu'une canalisation à l'origine de désordres se trouve encastrée dans une dalle, partie commune non apparente, et qui ne peut être atteinte que par des dégradations du gros œuvre du plancher induit que cette canalisation est partie commune est, par exemple, la position de la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 16 mars 2011 (RG 06/19.156).

Tout est cas d’espèce, finalement et les juristes n’ont pas fini de s’interroger pour la grande satisfaction de leur clientèle reconnaissante !

Jean de Valon