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Acheter un logement entre concubins

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La question de l’acquisition d’un logement peut être problématique lorsqu’elle concerne un couple non marié. En effet, l’acquisition d’un logement les soumettra aux règles de l’indivision : chaque concubin est propriétaire de sa part, au prorata de sa participation au financement. L’indivision ne sécurise pas les droits des concubins, du fait de certaines contraintes :

- Les décisions importantes sont prises à l’unanimité (vente ou mise en location ultérieure, travaux importants…).

- S’il existe un désaccord entre les concubins ou un refus, le Tribunal de Grande Instance doit être saisi pour trancher (ordonner la vente par exemple…).

- L’indivision est une situation précaire : chaque indivisaire peut mettre fin à l’indivision.

- En matière successorale, le concubin survivant ne peut prétendre à un quelconque droit sur le logement. Si un testament est prévu en faveur du concubin survivant, les droits successoraux applicables sont très lourds pour ce dernier (impôt équivalent à 60% du montant transmis…).

Quelle stratégie patrimoniale adopter pour l’acquisition du logement ?

Une solution simpliste consiste pour les concubins à se pacser / marier : ainsi, le conjoint survivant pourra prétendre à des droits sur la résidence principale, et ceci en franchise de droit de succession (prévoir un testament en cas de PACS).

Si les concubins ne souhaitent pas se pacser ou se marier, il existe diverses alternatives, véritables stratégies patrimoniales. Focalisons-nous sur le démembrement croisé de parts sociales d’une SCI.

SCI et démembrement croisé des parts sociales

La technique de la SCI avec démembrement croisé des parts sociales permet à des concubins d’acheter un logement tout en se protégeant mutuellement et en assurant une protection de leurs héritiers.

Deux concubins peuvent ainsi créer une SCI, avec des droits égalitaires (50/50) qui va acheter le logement en question.

En principe, au décès de l’un des concubins, le concubin survivant se retrouve privé des parts du défunt. En effet, les héritiers vont recevoir légalement les parts de leur parent défunt. Le concubin survivant n’a aucun droit sur celles-ci, il peut seulement racheter les parts.

Pour éviter cette situation de blocage, les concubins peuvent prévoir un démembrement croisé des parts sociales.

Cela consiste à distinguer les deux aspects de la propriété, à savoir la nue-propriété (propriété du bien sans droit d’utilisation et de jouissance) et l’usufruit (droit d’utiliser le bien et d’en jouir tel qu’un véritable propriétaire, mais sans l’être). Le bien est donc détenu par deux personnes : l’usufruitier et le nu-propriétaire.

Le démembrement croisé consiste en l’opération suivante :

- Chaque concubin détient initialement 50% de la SCI en pleine-propriété, - Ils vont alors se transmettre mutuellement leur droit d’usufruit. Ainsi, l’un des concubins est usufruitier des parts de l’autre et nu-propriétaire de ses propres parts. Le mécanisme peut fonctionner dans l’autre sens (transmission de la nue-propriété).

Lors du décès de l’un des concubins, l'usufruit de ses parts rejoindra la nue-propriété détenue par le concubin survivant. Ce dernier sera donc pleinement propriétaire de ses parts et usufruitier des autres. La nue-propriété des parts du défunt revient alors à ses héritiers.

Avantage du montage : lors du décès de l’un des concubins, son droit d’usufruit rejoint légalement la nue-propriété détenue par le concubin survivant en franchise de droits de succession. Le concubin survivant devient donc pleinement propriétaire sur cette partie du bien. La forte fiscalité applicable entre concubin est ainsi évitée (pas d’intérêt pour le PACS, les partenaires pacsés étant exonérés de droit de succession depuis la loi TEPA du 21 août 2007). Si les concubins ont des enfants d’une première union, ils sont également protégés car deviennent nus propriétaires des parts de leur parent défunt (l’usufruit étant détenu par le concubin survivant).

Exemple :

François et Claire sont concubins. François est le père de Marie, issue d’une première union. Le couple crée une SCI, divisée en 1000 parts numérotées. François détient les parts 1 à 500, Claire 501 à 1000. La SCI achète un logement.

Le couple opère un démembrement croisé des parts sociales : François transmet l’usufruit de ses parts à Claire, et vice-versa. Jean détient donc la nue-propriété des parts 1 à 500, et l’usufruit des parts 501 à 1000, Claire le contraire.

Au décès de François, son usufruit sur les parts 501 à 1000 revient gratuitement à Claire. Elle est donc pleinement propriétaire des parts 501 à 1000. Elle est également usufruitière des parts 1 à 500. Elle détient donc l’usufruit de l’ensemble des parts de la SCI : elle peut donc utiliser le bien comme bon lui semble (dans les limites légales du droit d’usufruit), car est usufruitière des parts de la SCI, elle-même propriétaire du logement.

Marie est quant à elle nue propriétaire des parts 1 à 500.

Au décès de Claire, elle sera donc pleinement et gratuitement propriétaire des parts 1 à 500 (l’usufruit rejoignant la nue-propriété). Les héritiers de Claire seront quant à eux propriétaire des parts 501 à 1000 : une situation d’indivision existera alors entre eux et Marie. Cette problématique devra être réglée en amont (adoption…).

Jeremy Gimenez