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Agent immobilier : Des limites à la perte de chance de l'agent immobilier

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Seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, de sorte que l'agent immobilier, qui ne peut prétendre au versement d'une commission que le mandat n'a pas régulièrement fixée, n'a pas subi de perte de chance d'en recevoir le paiement.

On ne peut perdre que ce que l'on possède.

Tel est, en substance, l'enseignement de cet arrêt de censure rendu au visa de l'article 1147 du code civil par la haute juridiction, à propos de la prétendue perte de chance indemnisable d'un agent immobilier à percevoir une rémunération.

Dans cette affaire, vendeur et acquéreur s'étaient entendus pour éluder les droits de l'agent immobilier et ce dernier avait réclamé le paiement de sa commission.

Le juge du fond ne pouvait pas lui donner raison sur ce terrain, le mandat stipulant de manière maladroite que « la commission était fixée selon le barème de l'agence », alors qu'il résulte de l'article 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 d'application de la loi « Hoguet » du 2 janvier 1970 - d'ordre public - que le montant de la rémunération ou de la commission est porté dans l'engagement des parties (précisant que lorsque le mandat se contente de faire référence au « tarif agence », l'agent chargé de la vente d'un immeuble ne peut, à l'occasion de cette opération, recevoir de commission de la part du mandant mentionné dans le mandat comme en ayant la charge, V. déjà Civ. 1re, 25 juin 2002, AJDI 2003. 370, obs. Thioye ; ne se contentant pas de la simple référence à un prétendu tarif légal, V. aussi Civ. 1re, 24 mai 1989, Bull. civ. I, n° 208 ; 9 nov. 1999, Bull. civ. I, n° 292 ; à comparer toutefois estimant que l'article 6 de la loi de 1970 requiert seulement que le mandat précise les conditions de détermination de la rémunération ainsi que l'indication de la partie qui en aura la charge, et non le montant exact de cette rémunération : Paris, 5 juill. 2002, AJDI 2003. 368, obs. Thioye ).

Il a toutefois octroyé des dommages et intérêts au professionnel (selon le moyen, à hauteur de 5 000 euros, alors qu'il réclamait le versement de 14 000 euros) sur le fondement de la perte de chance.

Cette solution est invalidée par les hauts magistrats de la première chambre civile, lesquels réaffirment que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable (retenant la même formulation en matière de responsabilité contractuelle, V. déjà Civ. 1re, 21 nov. 2006, Bull. civ. I, n° 498; V. aussi, mais rendu au visa de l'art. 1382 c. civ., Civ. 1re, 4 juin 2007, Bull. civ. I, n° 217; précisant qu'un risque, fût-il certain, ne suffit pas à caractériser la perte certaine d'une chance, le préjudice qui en résulte étant purement éventuel, V. aussi Civ. 1re, 16 juin 1998, Bull. civ. I, n° 216 ; ; 19 déc. 2006, D. 2007. Pan. 2897, obs. P. Brun ; RTD civ. 2007. 352, obs. P. Jourdain ).

Or, du fait du non-respect des dispositions de l'article 73 du décret de 1972, l'agent immobilier ne pouvait se targuer d'avoir manqué la possibilité de toucher une quelconque rémunération.

Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 8 mars 2012 n° 11-14234

Gabriel Neu-Janicki