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Aides au logement : le débat ouvert par la moralisation

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Après le rapport de la Cour des comptes sur le coût des aides personnelles au logement, dans une période de disette budgétaire, les Français avaient tout à craindre du projet de loi de finances initiale pour 2016. Le gouvernement vient de révéler à quelle sauce les ménages seraient mangés. Une idée force a guidé la réforme: moraliser.

On apprend en effet que les allocations logement seront désormais dégressives avec le montant du loyer à partir du 1er juillet 2016, alors qu'à ce jour elles stagnent au-delà d'un certain montant de loyer. La mesure tend à cibler les locataires dont le loyer trahit des revenus plus élevés que ce qu'ils déclarent. En pratique, au-delà de deux fois le plafond actuel l'allocation se réduira jusqu'à s'éteindre. En outre, le patrimoine des locataires sera pris en compte à partir du 1er octobre. On ne sait encore précisément quels actifs seront considérés comme constitutifs du patrimoine à déclarer. On sait tout de même que ce sera le cas des résidences secondaires et que les investissements locatifs Pinel seront exclus.

Le budget du logement ne touchera finalement pas à l'allocation logement des étudiants. Pour autant, leur patrimoine, et non celui de leurs parents, sera également examiné avant toute attribution. Bref, on met de la morale où il n'y avait que de la mécanique financière. Qui s'en plaindrait? Il reste que c'est une décision courageuse. Elle n'a pas soulevé de tollé. A cet égard, la majorité actuelle, explicitement sociale, a pu faire ce qu'une majorité libérale n'aurait pas fait... Cinq cent mille ménages seront en toute hypothèse touchés par ces dispositions prophylactiques.

Cette action politique sans précédent fait se poser une autre question: quel est l'impact des aides sur le montant des loyers? Ne sont-elles pas inflationnistes? Ne vaudrait-il mieux pas revenir sur le bouclage, décidé en 1991, au terme duquel tous les ménages sous conditions de ressources sont éligibles aux aides, pour les réserver résolument aux plus fragiles? On opposera à cette théorie que des loyers moindres affecteront le rendement locatif. Aller au bout de la logique consisterait à alléger la fiscalité sur les revenus fonciers. Il y aurait de quoi: les APL représentent 15,5 milliards d'euros de dépenses pour l'Etat. Les mesures de moralisation feront baisser la charge publique de 1% de cette enveloppe... Il y a de la marge, et envisager une réforme de fond vaudrait la peine, à condition de considérer et les locataires et les bailleurs: les premiers pourraient n'être plus aidés si les seconds baissaient leurs loyers à due proportion de leur moindre imposition.

En tout cas, le geste du gouvernement inspire le débat. Quel décideur aura-t-il l'audace de l'ouvrir vraiment?

Henry Buzy-Cazaux