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Association syndicale libre : Participation à l'assemblée, objet statutaire et prescription

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En considérant, s'agissant des personnes ayant été appelées à participer à différentes assemblées générales, qu'il suffit de constater qu'y ont été convoqués les propriétaires d'appartements susceptibles de bénéficier des services à personne, alors qu'elle a relevé que l'association syndicale libre, une fois créée, s'impose à tous les propriétaires d'immeubles inclus dans son périmètre, une cour d'appel viole la loi du 21 juin 1865, l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 et l'article 1134 du code civil.

Cet arrêt est l'occasion pour la Cour de cassation de rappeler quelques principes sur l'objet statutaire et le fonctionnement d'une association syndicale libre (ASL).

En l'espèce, les propriétaires de deux résidences services soumises à des règlements de copropriété distincts avaient constitué une ASL. L'association gérait notamment des services proposés aux résidants. Critiquant la répartition des charges, un copropriétaire entendait obtenir l'annulation de délibérations votées par l'assemblée générale. Débouté par les juges du fond, il soulevait trois moyens devant la Cour de cassation.

Prescription de l'action

Le premier moyen portait sur la prescription de l'action. Le pourvoi reprochait à la Cour d'appel d'avoir considéré son action en nullité de certaines délibérations comme étant prescrite dès lors que la prescription trentenaire de droit commun était applicable et que l'exception de nullité est perpétuelle. Ce moyen ne prospère pas.

La Cour de cassation rappelle que ni la loi du 21 juin 1865 ni l'ordonnance du 1er juillet 2004 n'ont prévu de délai pour contester les délibérations prises en assemblée générale et que le délai de deux mois prévu par le statut de la copropriété est inapplicable. L'inapplication de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 aux associations syndicales libres est un principe entendu (Civ. 3e, 17 janv. 1996, n° 93-15.456). À défaut de texte spécifique relatif à la prescription de l'action en contestation d'une délibération, il faut appliquer le droit commun.

Restait donc à déterminer le régime de droit commun applicable. La Cour de cassation estime que les associations syndicales libres protègent les seuls intérêts de leurs membres, le délai de prescription applicable est celui de l'article 1304 du code civil, c'est-à-dire cinq ans.

Cette position n'est pas inédite (Civ. 1re, 19 mai 1981, Bull. civ. I. n° 169 ; 9 juill. 2002, Constr.-Urb. 2002. 299 ; V. aussi, à propos d'une association foncière urbaine libre, Paris, 29 mars 2001, D. 2001. 3069, note C. Atias ; contra, Paris 6 oct. 2010, AJDI 2011. 63 ).

Enfin, conformément à sa jurisprudence bien établie, elle ajoute que les décisions ayant été exécutées par les copropriétaires, ceux-ci ne sont plus recevables à invoquer la perpétuité de l'exception de nullité (Com. 6 juin 2001, RTD com. 2002. 147, obs. B. Bouloc ; Civ. 1re, 17 juin 2010, Rev. sociétés 2010. 99, obs. R. Libchaber ; D. 2010. 1623 ).

Objet de l'ASL

Le deuxième moyen arguait que l'association libre ne pouvait avoir pour objet la gestion de services dès lors que cet objet doit être limité à la réalisation de travaux de mise en valeur ou d'entretien de l'immeuble. Ce moyen est également rejeté par la Cour de cassation au motif que la gestion et l'entretien des équipements et services communs entrent dans les prévisions tant de l'article 1er de la loi du 21 juin 1865 dont l'énumération n'est pas limitative que de l'article 1er de l'ordonnance du 1er juillet 2004 qui autorise la constitution d'une association syndicale pour la mise en place des services collectifs et équipements communs destinés à assurer la jouissance de l'immeuble conformément à sa destination.

L'article 1er de l'ordonnance du 1er juillet 2004 qui a réformé la loi du 21 juin 1865 a simplifié et élargi les attributions dévolues aux ASL. Désormais, une telle association peut être constituée « en vue de la construction, l'entretien ou la gestion d'ouvrages ou la réalisation de travaux, ainsi que les actions d'intérêt commun en vue de [...] de mettre en valeur des propriétés ». Pour autant, sous l'empire de la loi de 1865, la réalisation des opérations d'administration et de gestion des bâtiments et équipements collectifs n'était pas interdite à ces associations. Une jurisprudence ancienne avait en effet précisé que l'énumération de l'article 1er avait un caractère purement énonciatif (V. Rép. imm., v° Construction en volumes, par Walet, spéc. n° 122). Ce que confirme l'arrêt commenté.

La rédaction issue de 2004 est néanmoins plus large, l'objectif de « mise en valeur des propriétés » recouvrant de nombreuses hypothèses.

Est rouvert le débat sur limites de l'objet social. La cour d'appel de Paris a ainsi jugé que l'activité de restaurant, activité purement commerciale, n'entrait pas dans la catégorie des activités permises à une association syndicale (Paris, 19 janv. 2006, AJDI 2006. 395 ).

Dans cet arrêt, la Cour de cassation s'attache à vérifier que ces services et équipements communs sont destinés à assurer la jouissance de l'immeuble conformément à sa destination. Il apparaît que c'est donc à l'aune de ce critère qu'il faut apprécier la légalité de l'objet statutaire d'une association syndicale libre.

Convocation à l'assemblée générale

Sur le troisième moyen, la Cour de cassation censure cependant la cour d'appel pour avoir validé la délibération d'une assemblée générale à laquelle n'avaient été convoqués que les propriétaires d'appartement dont les occupants étaient susceptibles de bénéficier des espaces ou des services en question. Dès lors que l'ASL s'impose à tous les propriétaires d'immeubles inclus dans son périmètre, tous doivent être convoqués.

Cette censure ne surprendra pas, puisque ce principe résulte du caractère réel de l'ASL, maintes fois rappelé par la jurisprudence.

Rien n'interdit en revanche de moduler la répartition des charges entre les membres de l'association selon l'utilité qu'ils tirent des services proposés (V. J.-L. Bergel, Les charges dans les associations syndicales libres de propriétaires, art. préc.).

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 14 novembre 2012 n° 11-23808

Gabriel Neu-Janicki