BFM Immo
Avis d Experts

Augmentation des droits de mutation à Paris : un choix dangereux

BFM Immo
L'avènement du bail Multiloc à Paris, dispositif de prime aux bailleurs acceptant de remettre sur le marché par l'intermédiaire d'un professionnel un logement vacant et de le louer à un loyer minoré, a fait grand bruit ces derniers temps. Il faut dire que cette marque de confiance faite par la municipalité aux acteurs du logement privé pour abonder l'offre locative intermédiaire tient de l'exceptionnel, et qu'on ne la voit pas à l'échelon national. On n'a pas encore fini de s'en réjouir que la Maire de Paris vient de prendre une décision moins favorable au logement...

Anne Hidalgo n'avait pas encore profité de la faculté offerte par le législateur de 2014 d'augmenter la part départementale des droits de mutation à titre onéreux -que d'aucuns nomment improprement "frais de notaire" parce qu'ils sont perçus par les notaires au nom de l'Etat et des collectivités locales lors des ventes. Paris, qui a la particularité d'être à la fois une commune et un département, va donc porter sa part départementale de 3,80% à 4,50%, la part communale restant inchangée.

Cette augmentation place les droits acquittés par l'acquéreur d'un logement existant à 7,70% du prix du bien lui-même, dans la capitale comme sur l'essentiel du territoire. Ce niveau nous met au plus haut rang de taxation des mutations à titre onéreux dans le concert des pays comparables au nôtre. Surtout, il crée une barrière à l'entrée de l'achat immobilier de nature à dissuader nombre de ménages... ou simplement à les empêcher: les 8% qui grèvent le prix du logement peuvent constituer le surcoût qui déséquilibrera l'équation d'emprunt.

On peut trouver normal qu'Anne Hidalgo ajuste sa tactique fiscale sur celle de la plupart des départements. On peut aussi trouver que les prix parisiens étant de loin les plus lourds en France, il fallait épargner aux accédants et aux investisseurs la double peine, pour ne pas dire la triple: les droits de mutations sont calculés en pourcentage du prix et l'effet taux s'ajoute à l'effet prix, l'assiette de calcul s'étant en moyenne élargie de 200% depuis quinze ans pour les parisiens -puisque les prix ont cru dans ces proportions. Des prix élevés, des taux de droits de mutation élevés et des montants de droits colossaux à l'arrivée.

Qui plus est, n'y a-t-il pas de l'incohérence à vouloir aider les propriétaires bailleurs d'une main et à reprendre et au-delà ces aides de l'autre main auprès des acquéreurs? Les acheteurs parisiens ont-ils moins besoin de considération que les bailleurs parisiens ou leurs locataires? Incontestablement non. Madame Hidalgo n'en doute d'ailleurs pas, ses discours en attestent.

Seulement voilà : elle a cédé avec son conseil municipal à la tentation de hausser la fiscalité, pensant sans doute que cela serait sans conséquence sur le nombre de mutations. J'ai longtemps défendu que l'impact des droits était inexistant sur l'activité du marché...lorsque les droits étaient à 4 ou 5%... Nous approchons du double et le point de rupture risque fort d'être atteint à Paris, par addition des effets taux, prix et combinaison des deux.

Au demeurant, l'effort supplémentaire exigé d'un acquéreur lors d'une mutation, quand il ne le fera pas renoncer, l'appauvrira. La conséquence sera alors indirecte, sur la consommation des nouveaux propriétaires, et la Ville le déplorera. Bref, pour séduisante que soit toujours une augmentation du taux des taxes, que les édiles croient a priori indolores et invisibles, il faut y réfléchir à deux fois.

Henry Buzy-Cazaux