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Bail commercial : la clause d'indexation du loyer en question

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La clause d'indexation, qui permet la revalorisation automatique et régulière du loyer d'un bail commercial, est prohibée lorsqu’elle porte en elle une asymétrie incompatible avec la nature des textes qui la réglementent.

Le sort de la clause d’indexation - aussi appelée clause d’échelle mobile - insérée dans un bail commercial a longtemps été source d’incertitudes.

Il s’agit de la stipulation contractuelle par laquelle les parties s’accordent sur une variation périodique et automatique du montant du loyer en fonction d’un indice spécifique - ILC, l’indice des loyers commerciaux, ILAT, l’indice des loyers des activités tertiaires ou ICC, l’indice du coût de la construction.

Elle s’applique de plein droit et sans formalités dès lors qu’elle est rédigée de manière claire, précise et non équivoque :

- Lorsque l’indice évolue à la hausse, le montant du loyer dû par le locataire est automatiquement rehaussé. - Lorsque l’indice est dans une phase descendante, le montant du loyer dû par le loca-taire baisse corrélativement.

Si en principe, la validité de cette clause n’est pas contestée, elle est en revanche prohibée lorsqu’elle porte en elle une asymétrie incompatible avec la nature des textes qui la réglementent.

L’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 14 janvier 2016 et publié au Bulletin (n° 14-24.165) est l’occasion de faire le point sur les subtilités de ce mécanisme.

I - Contexte : une clause d’indexation qui ne joue qu’à la hausse

Dans cette affaire, les juges se sont prononcés sur la question de la validité de la clause d’indexation d’un bail commercial par laquelle le bailleur contraignait le locataire à en subir les effets, sans jamais pouvoir en bénéficier.

En effet, il avait été prévu que chaque année, à la date d’anniversaire de la prise d’effet du bail, le loyer serait automatiquement adapté en fonction de l’ICC du trimestre en cours. Toutefois, la clause précisait que l’indexation ne pouvait en aucun cas ramener le montant du loyer ainsi révisé à un niveau inférieur au loyer de base.

Le locataire a donc agi en justice contre le bailleur pour demander la nullité de la clause. La Cour d’appel lui a donné raison, tout comme la Cour de cassation, qui estime que "le propre d'une clause d'échelle mobile {est} de faire varier à la hausse et à la baisse et que la clause figurant au bail, écartant toute réciprocité de variation, faussait le jeu normal de l'indexation".

La clause d’échelle mobile non-réciproque dénature donc le mécanisme de l’indexation, et est incompatible avec l’article L. 112-1, alinéa 1er du Code monétaire et financier qui conditionne le recours à une telle stipulation.

II - Sanction : une clause d’indexation déclarée nulle dans son intégralité

La clause d’indexation, objet de la présente affaire, était décomposée en huit paragraphe dans laquelle seul le dernier faisait référence à l’impossibilité d’une variation à la baisse. Il était donc envisageable de sanctionner uniquement cette dernière mention et de conserver les dispositions des sept premiers paragraphes qui organisaient de manière classique la clause d’indexation.

Mais la Cour de cassation a décidé d’une sanction plus lourde en considérant que "la clause devait être, en son entier, réputée non écrite". La Cour d’appel a usé de son pouvoir souverain d’appréciation et en a déduit que l’exclusion de toute baisse du loyer en dessous du loyer de base était un élément fondamental et déterminant de la clause.

Note à l’attention du bailleur : à l’avenir, il est fortement conseillé au bailleur de rédiger la clause avec la plus grande précaution, en insistant sur le caractère accessoire (voire insignifiant) d’une indexation ne jouant qu’à la hausse pour ne pas risquer la nullité.

III - Conséquences : quel est le sort du loyer ?

La clause réputée non écrite dans son intégralité est sensée n’avoir jamais existé. Cette lourde sanction emporte donc les conséquences suivantes :

- Le loyer n’est affecté par aucune forme d’indexation ; il est par conséquent ramené à son niveau d’origine ; - Le bailleur est dans l’obligation de restituer les sommes versées en complément du loyer initial, au titre de l’indexation : le locataire perçoit ainsi la différence entre le loyer illégalement indexé et le loyer de base avant indexation. - Le bailleur ne peut plus procéder à sa révision car le montant du loyer est gelé pour toute la durée du bail ; - Il faudra attendre la fin de la première période triennale du bail commercial, ou après le point de départ du bail renouvelé pour procéder à une nouvelle révision (article L. 145-38 du Code de commerce) ; - Enfin, l’illicéité de cette clause, sensée n’avoir jamais existé car réputée non écrite, n’est enfermée dans aucun délai de prescription.

Thomas Rivoire