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Baisse des prix à Paris : Le retour de la logique

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On savait que, partout en France, dans les villes moyennes d'abord, dans les grandes villes de région ensuite, finalement autour de la capitale, les prix baissaient depuis trois ans. Plusieurs limites pourtant à cette prise de conscience, et un frein majeur: Paris échappait, semblait-il, à ce mouvement.

La première limite tenait aux discours de la communauté professionnelle. Elle ne se rend pas volontiers au constat que la baisse est à l'œuvre, et on se demande pourquoi. Tout se passe comme si une grande partie de celles et ceux qui ont voix au chapitre sur le marché immobiliers, patrons d'enseignes nationales, d'organisations professionnelles, co,sidéraient encore pour la plupart que la baisse des valeurs constituait une mauvaise nouvelle. Peut-être assimilent-ils à ce phénomène une sorte de dégradation des produits et du patrimoine. Ils auraient raison si les prix s'effondraient, comme ils ont pu le faire après la crise des subprimes aux Etats-Unis ou en Espagne, ancrant dans la population un sentiment d'appauvrissement général.

Pour certains professionnels, en tout cas en France, il s'agit d'un indicateur économique que le marché va moins bien. Au demeurant, ils confondent deux indicateurs, celui du volume des ventes et celui des prix. Le premier traduit sans conteste que le marché vit, et des prix modérés en sont le plus souvent la condition. Le second ne traduit rien d'autre que le résultat de causes multiples, de la santé de l'économie globale à des anticipations des acteurs en passant par la capacité des banques à financer les opérations.

Paris a longtemps été l'exception, mais ne l'est plus

Et puis il y a le sempiternel couplet sur l'offre et la demande, qui concerne Paris entre tous les marchés. En clair, au nom d'une tension structurelle entre une demande extrêmement importante et une offre réduite sur le territoire concerné, la ville capitale, voire une partie de sa couronne, seraient condamnées à voir leur prix résister, sinon augmenter tendantiellement. On sentait au café du commerce, en parlant avec les agents immobiliers, que le marché faisait mentir cette théorie depuis un an. Mais les statistiques, selon leurs producteurs, démontraient l'inverse, ou dans le meilleur des cas une baisse confinant à la stabilité. Alors on avait fini par croire que Paris était une exception.

Paris l'a longtemps été, certes. Paris ne l'est plus. Les dernières statistiques notariales le prouvent. Le prix des logements anciens a reculé de 2,2% au cours de l'année 2014. Certes, la baisse est deux fois moindre que dans d'autres grandes villes françaises sur la même période, mais elle est là. Il faut en outre se rappeler d'où l'on vient: entre 1999 et 2013, les prix parisiens ont augmenté en moyenne de 300%. En clair, ils ont quadruplé. Et pendant les dix premières de ces quatorze années, la vitesse d'augmentation a été à deux chiffres. Bref, ce qui se passe est fort.

Les moyens financiers des acheteurs dictent la loi

Comment expliquer le phénomène? Exactemement comme il s'explique ailleurs: l'érosion de la solvabilité des ménages. Ce sont désormais les moyens financiers des acquéreurs qui dictent leur loi aux vendeurs, et non l'inverse. L'inverse a eu cours pendant la période d'expansion économique, qui plus est encouragé par les banques, alors peu regardante sur la distribution des crédits et sur la valeur du sous-jacent, eût-il le statut de gage dans le prêt assorti d'une hypothèque réelle. Il fallait aussi ajouter à une époque la resolvabilisation de la demande par des aides publiques, telles que la déductibilité des intérëts d'emprunt ou encore le doublement du prêt à taux zéro dans l'ancien à l'initiative de la mairie de Paris. Tout cela est révolu, et on assiste à une opération vérité.

La logique s'impose. On s'aperçoit également que le marché parisien redevient un marché de ventes contraintes, dans lequel l'essentiel des opérations provient des mariages, des séparations, des naissances et des décès ou encore de la mobilité professionnelle. Pour le dire autrement, la part des achats de confort par des provinciaux ou des étrangers regresse. Au passage, cette part n'a jamais été importante, mais elle a toujours porté une sorte de fantasme: on a prêté à tort à telle ou telle nation, selon les périodes, le pouvoir de tirer les prix vers le haut. Ce mécanisme n'a jamais été démontré, ne serait-ce que parce que les segments sont distincts: l'émir du Qatar a peu d'influence sur le cours du 2 pièces dans le 18e, mais une incontestable influence sur le prix au mètre carré avenue Montaigne.

La boucle est bouclée et tout le marché français subit la même tendance. C'est un retour à la raison, ni plus ni moins. Ceux qui le prédisaient depuis deux ou trois ans,longtemps très seuls, n'avaient pas tort.

Henry Buzy-Cazaux