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Baux commerciaux : Indemnité d'éviction et destruction totale des lieux

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La destruction totale du bien loué ayant entraîné la résiliation de plein droit du bail et la perte de ses droits contractuels et statutaires par la société locataire, celle-ci ne pouvait plus prétendre au versement d'une indemnité d'éviction qui ne lui était pas définitivement acquise au jour du sinistre et n'était pas entrée dans son patrimoine.

Le locataire qui, créancier d'une indemnité d'éviction, reste en place dans l'attente de son dédommagement, est maintenu dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

De cette règle, affirmée par l'article L. 145-28 du code de commerce, la jurisprudence en a tiré la conséquence que, lorsque la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit pendant cette période, le propriétaire peut se soustraire au paiement de cette indemnité non encore définitivement fixée, en invoquant les dispositions de l'article 1722 du code civil (Civ. 3e, 4 janv. 1977, Bull. civ. III, n° 1 ; 29 sept. 1999, Bull. civ. III, n° 192 ; 29 sept. 2004, Bull. civ. III, n° 159).

On rappellera que l'article 1722 dispose que « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ». Telle est la solution réaffirmée par l'arrêt de rejet rapporté, à la suite de la destruction totale d'une discothèque par un incendie.

L'originalité de la décision tient au fait, d'une part, qu'elle intervient après que le demandeur a soumis au juge du droit une question prioritaire de constitutionnalité et, d'autre part, qu'à l'appui de ses prétentions, le locataire a fait valoir des textes européens.

Concernant la constitutionnalité de l'article 1722 du code civil, le 4 janvier 2011, la haute cour a dit qu'il n'y avait pas lieu à renvoi, motif pris qu'en excluant tout dédommagement lorsque le bail est résilié de plein droit par suite de la disparition fortuite de la chose louée, ce texte ne fait manifestement que tirer la conséquence nécessaire de la disparition de l'objet même de la convention que les parties avaient conclu et poursuit un objectif d'intérêt général en assurant, lors de l'anéantissement de leurs relations contractuelles dû à une cause qui leur est étrangère, un équilibre objectif entre leurs intérêts respectifs.

Sur l'application des textes européens, le preneur a tenté de faire valoir tant l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, relatifs au droit de propriété.

En vain, puisque la destruction est survenue, l'indemnité ne lui était pas définitivement acquise et n'était pas entrée dans son patrimoine.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 29 juin 2011 n° 10-19975

Gabriel Neu-Janicki