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Commission de contrôle des agents immobiliers et administrateurs de biens: un lourd silence

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Qui se souvient que la loi ALUR avait créé une Commission de contrôle, chargée de trancher les différends entre des particuliers et des professionnels de la transaction et de la gestion? Allez, soyons honnêtes: il s'en trouve sans doute parmi les professionnels pour appeler de leurs vœux que l'affaire soit enterrée.

Le temps est un grand maître. Il enfouit, il efface, il gomme. Il peut avoir raison de toutes les mémoires. D'ailleurs, on apprend à la lecture de Heidegger que c'est l'oubli qui est naturel à l'homme et qu'il faut s'efforcer pour se rappeler quelque chose. Ainsi, qui se souvient dans la communauté immobilière que la loi ALUR avait créé une Commission de contrôle, chargée de trancher les différends entre des particuliers et des professionnels de la transaction et de la gestion? Allez, soyons honnêtes: il s'en trouve sans doute parmi les professionnels pour appeler de leurs vœux que l'affaire soit enterrée. Il s'en trouve aussi, plus responsables, pour vouloir que cette instance voie le jour dans délai, parce qu'elle est de nature à rassurer les consommateurs et à donner des agents immobiliers, des gestionnaires locatifs et des syndics de copropriétés une image revalorisée.

En tout cas, que la nouvelle en navre certains ou qu'elle en réjouisse d'autres, l'enfant ne naît pas. Pourquoi? Parce que les organisations professionnelles se sont aperçues qu'il avait été mal conçu et qu'il fallait revoir son ADN. Pensez! Au terme du scénario de la loi, en son temps validé par les syndicats, la Commission sera présidée par un magistrat, la majorité des sièges sera occupée par des magistrats, le reste devant être partagé par des représentants des consommateurs et des professionnels...en retraite, pour éviter les conflits d'intérêt. Bref, les fédérations ont fini par avoir le sentiment de s'être fait berner. Du coup, le gouvernement a repris sa copie, prêt sur ce sujet aussi à détricoter l'œuvre de Cécile Duflot. Le problème du détricotage, c'est que parfois le pull n'est toujours pas disponible lorsqu'arrivent les premiers froids... L'opinion attend cet organe, qui a vocation à être efficace a priori, c'est-à-dire en incitant les professionnels à plus de rigueur et d'orthodoxie dans leurs pratiques.

Un silence qui pose problème

Ainsi donc, les pouvoirs publics devaient avant l'été revoir la copie d'origine. Plus de nouvelles de l'enfant depuis lors. Ce silence est pesant à plus d'un titre. D'abord parce que faire exercer la discipline, au regard des textes applicables aux professionnels de la transaction et de la gestion, au regard du code d'éthique à force règlementaire publié il y a un an, est essentiel. Les enjeux du logement exigent que le marché des services aux familles soit transparent, équilibré, sûr. Ce silence pose un autre problème: la refonte attendue de la Commission de contrôle devait réhabiliter les professionnels, quand la loi du 14 mars 2014 leur avait témoigné de la défiance. Oh... Avaient-ils mérité cette défiance? Je suis de ceux qui reconnaissent les turpitudes de la communauté immobilière et qui ne nient pas que certains, très minoritaires, mais toujours trop nombreux, ont failli et faillissent. Ceux-là portent préjudice à tous en dégradant l'image collective.

Disposer des moyens de les sanctionner est urgent, c'est un fait. En revanche, ce résultat ne sera pas obtenu sans associer largement la profession au redressement des torts. Les professionnels doivent tenir dans la future commission la majorité des sièges. En confier la présidence à un magistrat envoie le message inverse de l'intention du législateur, en accréditant la thèse que la profession doit être mise sous tutelle ou sous curatelle.

Il faut pousser les feux. Peut-on astreindre les agents immobiliers et les administrateurs de biens à suivre de la formation continue, à respecter une déontologie, à accepter des missions supplémentaires au bénéfice des ménages...et l'infantiliser? La Commission de contrôle sera même un outil de conquête du marché: le public recourra davantage aux professionnels pour louer, vendre, acheter, gérer, s'il a confiance. Les ministres du logement et de la justice doivent désormais en faire une priorité, quelque deux ans et demi après la promulgation de la loi ALUR.

Henry Buzy-Cazaux