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Contrat type de syndic de copropriété: l'épreuve du feu pour le CNTGI

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Le décret définissant le contrat type de syndic de copropriété et les prestations particulières vient de paraître au Journal officiel. Deux dispositions ont de quoi surprendre : l'obligation de mise en concurrence systématique à la fin d'un mandat et la rétribution des syndics bénévoles.

La loi Alur inspirée par Cécile Duflot, promulguée le 24 mars 2015, avait posé deux principes majeurs pour les copropriétaires et les professionnels immobiliers à leur service, les syndics. Un contrat-type devait s'imposer par décret, listant les tâches de base, appelées à être rémunérées par un forfait d'honoraires, et des missions annexes, payées en sus. Par ailleurs, le gouvernement ne pouvait prendre ce décret sans l'avis du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), instance également créée par la loi Alur.

Le gouvernement, après avoir reçu un avis spontané du Conseil, a rédigé un projet de contrat que le CNTGI a rejeté majoritairement en fin d'année 2014. Le décret définitif vient de paraître au Journal officiel du 28 mars, signé le 26 mars dernier. Deux dispositions ont de quoi surprendre, et exaspèreront sans nul doute les organisations professionnelles, l'obligation de mise en concurrence systématique à la fin d'un mandat et la rétribution des syndics bénévoles.

Deux dispositions… surprenantes

Le premier sujet, simplement rappelé par le contrat-type, renvoie à la loi Alur, qui avait disposé l'obligation de mise en concurrence quelles que soit la relation entre le syndic et le syndicat, fût-elle excellente. Les fédérations professionnelles ont inspiré dans le projet de loi Macron des amendements de nature à nuancer l'obligation et à la rendre plus réaliste. Ainsi, on pourrait limiter l'appel d'offres au cas où un syndic a déjà été reconduit et a assumé deux mandats consécutifs. On pourrait aussi, de façon simple, ne procéder à la mise en concurrence que lorsque le conseil syndical en émet la volonté, notamment parce que sa satisfaction n'est pas pleine et entière. La seconde voie n'a pas été retenue pour l'instant, et on attend que la première, qui a plu à la commission saisie au fond au Sénat, prospère lors du vote en séance, et ne soit pas remis en question à l'Assemblée Nationale. Bref, ce n'est pas gagné.

Quant à la rémunération des syndics bénévoles, le décret introduit des règles bien singulières : le syndic bénévole pourra prétendre au défraiement des dépenses qu'il engage pour accomplir sa mission, mais aussi une rémunération en vertu du temps passé et d'un coût horaire convenu avec le syndicat des copriétaires. Le décret invente en somme le syndic bénévole rémunéré. La pratique jusqu'alors consistait à défrayer, mais celle de l'indemnité - il ne s'agissait que de cela d'ailleurs - était exceptionnelle. Voilà le mot de rémunération lâché... La disposition est pour le moins vexatoire pour les administrateurs de biens.

"L'argent ne dote pas de la compétence"

Dans le même temps, le CNTGI considérait que la loi Alur avait sans s'en apercevoir assujetti les syndics bénévoles au même cadre contractuel et aux mêmes missions que les syndics professionnels... Le gouvernement ne semble pas l'entendre de cette oreille : un syndic bénévole correctement payé n'a pas de raison de fournir un service dégradé, et on voit mal que le décret qui institue le principe de la rémunération des syndics non professionnels annonce une exemption pour eux de respecter le contrat-type. Ce serait un comble, et le CNTGI semble être placé là dans une aporie bien délicate.

Cette faculté règlementaire de rétribuer les particuliers qui se dévouent à la gestion de leur immeuble va-t-elle en outre éveiller des vocations de syndics bénévoles? On peut parier que l'ARC (Association des responsables de copropriété) ou encore l'ANCC (Association nationale de la copropriété et des copropriétaires) ne resteront pas l'arme au pied et assisteront les copropriétaires tentés par l'aventure.

Pour autant, la mission, en soi complexe, a été encore alourdie par la loi Alur. C'est au demeurant pour les professionnels une chance de démontrer leur valeur ajoutée, mais la barre est placée bien haut pour les particuliers. L'argent ne dote pas de la compétence...

Voilà donc deux sujets importants sur lesquels les organisations professionnelles membres du CNTGI n'ont pas été suivies par le gouvernement. Que faut-il en conclure ? L'influence du Conseil est-elle malmenée?

C'est juste que des malentendus, au sein même du Conseil peut-être, dans la profession de syndic en tout cas, s'en trouvent clairement levés : le CNTGI est un organe consultatif. Le gouvernement garde une totale liberté envers lui. Et il y a décidément encore du chemin à parcourir pour que les syndics et leurs représentants, fussent-ils légitimés par le Conseil auquel ils appartiennent, aient l'oreille des pouvoirs publics.

Henry Buzy-Cazaux