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Déjouer les pièges de la location meublée

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Outre les avantages fiscaux qu’elle présente, la location meublée a la réputation d’être moins contraignante sur le plan juridique que les locations de locaux nus à usage de résidence principale ou à usage mixte, soumises à la loi du 6 juillet 1989.

Initialement soumise aux seules dispositions du Code civil, la location meublée relève aujourd’hui directement ou non de multiples règles législatives et jurisprudentielles qui rendent sa mise en œuvre délicate.

Ainsi, la location meublée ne peut se pratiquer n’importe où. En effet, certains règlements de copropriété limitent ou interdisent la location meublée en leur sein. Toutes ces clauses restrictives ne sont pas nécessairement valables. Ainsi, selon la Cour de cassation, un même règlement de copropriété ne peut à la fois permettre l’exercice de profession libérales, et soumettre la location en meublée à l’autorisation préalable de l’assemblée des copropriétaires. Néanmoins, mieux vaut examiner le règlement de copropriété applicable avant de se lancer. En outre, la location meublée peut nécessiter des autorisations administratives préalables. C’est notamment le cas lorsqu’un logement est loué en meublé pour une durée inférieure à un an.

Les Tribunaux considèrent alors qu’ils ne peuvent plus être considérés comme étantà usage d’habitation. Dans les communes de plus de 200.000 habitants et les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation soumet ce changement d’usage à autorisation préalable. Celle-ci peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. A Paris, la compensation requise peut atteindre le double de la surface louée en meublé. Le non-respect de cette règle est lourd de conséquence pour le propriétaire.

D’une part, celui-ci peut voir le bail annulé et être condamné au paiement de dommages intérêts à son locataire. D’autre part, en vertu de l’article L.651-2 du Code de la construction et de l’habitation, le juge peut lui faire injonction de rendre les locaux à leur usage d’habitation dans un délai fixe, sous astreinte d'un montant maximal de 1 000 € par jour et par mètre carré utile des locaux irrégulièrement transformés et lui infliger une amende pouvant aller jusqu’à 25.000 € par infraction. Du fait d’une campagne de la Mairie de Paris contre les locations meublées non autorisées, la Cour d’appel de Paris a récemment fait application de ces textes à plusieurs reprises.

Par ailleurs, malgré l’absence de définition légale, louer en meubler ne se limite pas à mettre à la disposition du locataire un mobilier sommaire. En effet, selon une jurisprudence constante, la qualification de meublé suppose que le local soit garni de mobilier en quantité suffisante pour permettre une jouissance normale des locaux. Ainsi, le locataire doit pouvoir user normalement du logement ce qui implique la présence de mobilier (lit, tables, chaises) et d’équipements de base (salle de bain et cuisine équipées) mais également de vaisselle, d’ustensiles de cuisine et de linge de maison. Toutefois, selon un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris, le propriétaire n’est pas tenu de fournir du linge de cuisine et de toilette « qui peuvent être considérés comme des effets personnels ».

De même, bien qu’aucun texte n’exige qu’une liste des meubles soit établie, il est préférable que le propriétaire se constitue la preuve de la consistance du mobilier mis à disposition, en dressant un inventaire exhaustif, en présence du locataire, au plus tard lors de l’état des lieux d’entrée. Cet inventaire, signé des deux parties, permettra de surcroît de fonder d’éventuelles retenues sur le dépôt de garantie ou demandes d’indemnisation en fin de bail.

Enfin, le régime de résiliation de la location meublée varie considérablement selon qu’elle constitue ou non la résidence principale du locataire. Lorsque c’est le cas, l’article L.632-1 du Code de la construction et de l’habitation impose une durée minimum d’un an, tacitement reconductible par périodes égales, durée réduite à 9 mois non reconductibles lorsque la location est consentie à un étudiant. Le locataire peut donner congé à tout moment moyennant un préavis d’un mois. En revanche, le bailleur ne peut résilier que pour la fin du bail, pour des motifs limités (reprise, vente, motif légitime et sérieux) et en respectant un préavis de 3 mois. Ces dispositions étant d’ordre public, toute clause contraire est réputée non écrite.

En revanche, si le locataire n’y a pas sa résidence principale, ces aspects peuvent être réglés par le contrat…du moins pour l’instant. En effet, de prochaines réformes pourraient encadrer plus étroitement les locations de « meublés touristiques », que l’on accuse de contribuer à la crise du logement et du secteur hôtelier.

Cass. civ. 3ème 8 juin 2011 pourvoi n°10-15.891 Cour d'appel Paris Pôle 4, chambre 3 11 Octobre 2012 n° 11/03369 CA Aix-en-Provence, 11e ch., 11 janv. 2013, n° 2013/0003, Mandracchia c/ Mauro Maza

Sophie Erignac-Godefroy