BFM Immo
Pierre-Yves Rossignol

Démolition après annulation du permis de construire : le parcours du combattant

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Il est devenu aujourd’hui très difficile d’obtenir la démolition d’une construction qui ne respecterait pas les dispositions de la demande de permis de construire.

Après avoir exigé qu’un recours soit formé contre le permis de construire, préalablement à la saisine des juridictions civiles, les tribunaux doivent aujourd’hui appliquer la loi du 6 août 2015 – même aux instances engagées préalablement à ladite Loi.

Ce texte prévoit que :

"La condamnation à la démolition suppose désormais que la construction soit située dans une des 15 zones définies comme nécessitant une protection particulière".

Voici donc une nouvelle embûche sur le chemin des plaideurs victimes d’une construction édifiée illicitement.

Une décision récente de la Cour de cassation démontre les difficultés rencontrées par les propriétaires de lots voisins (notamment car d’autres parties peuvent également être concernées) à obtenir une telle démolition - même si le permis de construire a été préalablement annulé, et même s’ils peuvent souffrir d’un préjudice direct et immédiat en conséquence de la construction d’un ouvrage illégal.

Dans le cas d’espèce (Civ. 3ème, 23 mars 2017, n°16-11081), les propriétaires d’une maison avaient découvert que leurs voisins faisaient édifier un bâtiment avec parking en toiture, ainsi qu’une surface sur laquelle étaient apposés des panneaux solaires. Tout cela, en contravention manifeste aux dispositions d’urbanisme…

S’étant émus du caractère peu esthétique de ce parking et des panneaux solaires qui entravaient dorénavant leur vue, les propriétaires de la maison attaquaient le permis de construire obtenu le 8 mars 2008 par leurs voisins.

Le permis ayant été annulé par la juridiction administrative, c’est plein d’espoir que les propriétaires de la maison assignaient ultérieurement devant le tribunal de grande instance pour demander la démolition de la construction, sur le fondement de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme, et subsidiairement en demande de dommages et intérêts sur le fondement des troubles anormaux du voisinage.

La Cour d’appel avait accueilli cette demande de démolition en retenant que le permis de construire ayant été annulé par la juridiction administrative dès lors qu’il ne respectait pas les dispositions du Plan d’Occupation des Sols relatives à la hauteur des constructions, et que la violation de la règle d’urbanisme causait un préjudice direct et immédiat aux propriétaires de la maison.

Hélas, la Cour de cassation a considéré que la loi du 6 août 2015 définissant 15 zones de protection s’appliquait immédiatement aux effets des situations juridiques en cours au moment où cette loi était entrée en vigueur, même lorsque cette situation avait fait l’objet d’une instance judiciaire engagée avant l’homologation de l’entrée en vigueur de ladite loi.

La Cour de cassation a donc reproché à la Cour d’appel d’avoir violé l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme et cassé l’arrêt d’appel. Il eut fallu que la construction se trouve, en outre, dans une zone protégée…

Que de temps et d’argent perdus doivent se lamenter les malheureux voisins !

Rappelons que les zones définies par l’article L.480 -13 du Code de l’urbanisme sont des sites privilégiés ou classés, selon d’autres dispositions dudit Code. Il s’agit notamment :

- des espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ; - les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques ; - la bande de trois cents mètres des parties naturelles des rives des plans d'eau naturels ; - la bande littorale de cent mètres ;

Et il existe 11 autres zones définies par ce code de l’urbanisme. Obtenir la démolition d’un ouvrage illicite constitue aujourd’hui un véritable parcours du combattant !

Pierre-Yves Rossignol