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Déplafonnement : Indifférence de l'impact de l'extension de la destination du bail

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En cas d'extension de la destination du bail permettant d'adjoindre d'autres activités, le loyer doit être fixé hors plafonnement sans qu'il soit nécessaire de rechercher si cette modification notable a une incidence favorable sur l'activité exercée par le preneur.

Peu à peu, la haute juridiction affine sa doctrine en matière de prise en compte du caractère favorable ou non pour l'activité exercée par le preneur de la modification susceptible d'entraîner le déplafonnement du loyer de renouvellement d'un bail commercial.

La lecture de l'article L. 145-34 du code de commerce incite à déplafonner sans égard pour le sens de la modification, le texte se contentant d'envisager le plafonnement du loyer de renouvellement « à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ».

La jurisprudence, y compris l'arrêt rapporté, nous enseigne toutefois que tous les motifs de déplafonnement ne suivent pas nécessairement le même régime. Lequel régime doit certainement être déterminé à la lumière de l'article réglementaire se rattachant au motif envisagé.

Ainsi, en matière de travaux réalisés par le bailleur au cours du bail expiré, il a été jugé que le déplafonnement n'interviendra que pour autant que ceux-ci auront eu une incidence favorable sur l'activité exercée par le preneur (en l'occurrence, était en cause l'installation d'un ascenseur, Civ. 3e, 9 juill. 2008, Bull. civ. III, n° 123). Cette solution est confortée par la lecture de l'article R. 145-8 du code de commerce, qui ne vise que les améliorations apportées aux lieux loués, dont le bailleur a assumé la charge.

De la même manière, lorsqu'il est question de l'évolution des facteurs locaux de commercialité, sa prise en compte ne sera requise que lorsqu'elle sera de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur (Civ. 3e, 14 sept. 2011 n°10-30825). Cela se conçoit, l'article R. 145-6 envisageant l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Il a certes été remarqué (Monéger, ses obs. préc. ss. Civ. 3e, 14 sept. 2011), que le mot « intérêt » vient du latin interest signifiant qui importe. Mais, à la différence du latin, le français est une langue vivante et, dans son acception moderne, le terme querellé est incontestablement connoté de subjectivité : ce qui présente un intérêt pour quelque chose lui est nécessairement favorable.

À l'inverse, en dépit de la neutralité de cette circonstance pour le preneur, le bailleur va pouvoir déplafonner le loyer de renouvellement lorsque l'impôt foncier dont il a la charge va notablement augmenter (Civ. 3e, 25 juin 2008, Bull. civ. III, n° 112). Cette solution est commandée par la lettre de l'article R .145-8, qui précise que les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Dans l'arrêt rapporté, la question se posait de la prise en considération ou non du caractère favorable sur l'activité exercée d'une extension de la destination des locaux loués.

En l'occurrence, alors que les locaux avaient été originairement loués à destination de bar, les parties ont, en cours d'exécution, convenu par avenant que cette destination serait étendue à celle d'hôtel et de restaurant. Dans la procédure en fixation du loyer de renouvellement, le preneur a prôné le plafonnement du prix, faute pour le bailleur d'avoir établi en quoi cette extension avait eu une incidence favorable sur l'activité exercée.

Sa prétention est rejetée tant en appel que devant le juge du droit. Celui-ci, après avoir abandonné à la cour d'appel l'appréciation du caractère notable de la modification de destination précise qu'il ne lui incombait pas de rechercher si cette modification avait une incidence favorable sur l'activité exercée par le preneur.

Cette solution mérite approbation, eu égard à la rédaction objective de l'article R. 145-5 du code de commerce, qui se borne à préciser que la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L. 145-55.

On retiendra aussi de cette décision qu'elle rappelle que c'est souverainement que la cour d'appel fixe le loyer à la valeur locative en adoptant le mode de calcul qui lui est apparu le meilleur (dans le même sens, V. par ex., Civ. 3e, 3 juin 2004, Bull. civ. III, n° 111; 6 juill. 2005, Bull. civ. III, n° 149).

Gabriel Neu-Janicki