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EcoPTZ collectif : en veut-on vraiment ?

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Sur le papier, c'est-à-dire dans les textes règlementaires, existait depuis deux ans un prêt à taux zéro pour les copropriétés, destiné à financer les travaux de rénovation énergétiques. Telle l'Arlésienne, alors que quarorze banques s'étaient engagées à le distribuer, le dispositif restait introuvable dans le commerce. Pourquoi? Parce que les établissements ne voulaient pas courir le risque de mettre au point un process spécifique, de former des personnels, alors que la dégradation des finances publiques menaçait d'interrompre l'alimentation budgétaire et de compromettre le produit. L'autre raison n'était pas moins rédhibitoire: la contrepartie proposée par l'Etat pour commercialiser l'écoPTZ collectif était insuffisante.

Voilà qu'en pleine période estivale le gouvernement accomplit deux gestes significatifs, qui marquent l'acte de naissance de l'écoPTZ pour les copropriétés: il décide de proroger officiellement le produit jusqu'en 2017 inclus et il signe une convention exemplaire avec une authentique institution, le Crédit Foncier de France, déjà l'un des plus importants opérateurs de la distribution du PTZ individuel.

Que penser de ces gestes tardifs et pour le moins discrets au moment où ils ont été faits? Il faut avouer qu'on aurait voulu que les ménages ne soient pas avisés qu'on n'aurait pas agi autrement. A contrario, qui reprocherait à l'Etat de travailler pendant que les Français se reposent? Au-delà des signes qui n'en sont peut-être pas, il y a les caractéristiques du produit et son univers concurrentiel. Ni les unes ni l'autre ne lui garantissent a priori le succès.

Certes, il semble difficile de proposer un crédit moins cher qu'un prêt à taux nul... Mais le taux n'est pas tout. Encore faut-il que les conditions soient assez extensives, et là on est loin du compte. Il faut d'abord que 75% au moins des millièmes de la copropriété concernée par l'emprunt soient affectés à des lots d'habitation. En outre, seuls seront éligibles les copropriétaires dont le logement est leur résidence principale. L'enveloppe est plafonnée et la quotité financée aussi. Enfin, l'immeuble qui prétend à ce mode de financement aidé doit avoir été construit avant 1990. Il s'ajoute à ces critères d'éligibilité la nécessité que les entreprises réalisant les travaux soient titulaires du label RGE (Reconnu Garant de l'Environnement). Ce dernier point est plus délicat qu'il n'y paraît: ce ne sont guère que 40000 entreprises qui présente cette qualité, les autres ayant pu être dissuadées par le coût de la procédure de certification sans pour autant n'être pas compétentes.

Entretemps, la carence effective de l'initiative publique a conduit deux établissements, le même Crédit Foncier et Domofinance, filiale commune de BNP Paribas et d'EDF, à développer des crédits collectifs privés, beaucoup plus souples. En particulier, pas d'exigence quant au profil de l'emprunteur inviduel membre du syndicat des coporpriétaires, si ce n'est qu'il soit à nour de ses charges. Les deux établissements -vertu majeure- ont appris également à fonctionner avec les syndics et savent les assister, voire se substituer à eux, pour un certain nombre d'opérations relatives au vote, au montage, à la mise en place du crédit, au suivi du financement.

Leurs taux sont bas, le marché étant aujourd'hui et sans doute pour longtemps favorable. S'agissant de l'un de ces deux distributeurs, il sait aussi les bonifier grâce aux fameux CEE (certificats d'économie d'énergie), aides apportées par les énergéticiens -désignés comme responsables du préjudice fait à l'environnement et obligés à ce titre d'alléger la charge des travaux de rénovation des ménages-. Du coup, entre un taux 0 et un taux à 2,5% par exemple -et souvent moins-, le plus intéressant ne sera peut-être pas celui que l'on croit, en regard de la complexité attachée au premier et de la simplicité offerte par le second.

Faut-il d'ailleurs s'indigner que l'écoPTZ collectif soit plus lourd que les prêts libres? Non: si l'Etat ne multiplie pas les critères d'éligibilité, le coût budgétaire du produit sera insupportable et sa survie sera menacée. En plus, pourquoi attendre aujourd'hui des aides alors qu'au prix d'un effort financier réduit on peut s'en passer? Pas très moral au fond.

Bref, il n'est pas certain que le tant attendu écoPTZ collectif rencontre un grand succès et on peut même se demander si les copropriétés en avaient besoin. Il est peut-être tant de prendre en mains notre destin et d'organiser la transition énergétique de nos immeubles, et de cesser de penser que l'Etat n'est pas nous. Sans cette condition, il sera bien difficile au gouvernement actuel et aux futurs de modérer la fiscalité et de réduire les déficits.

Henry Buzy-Cazaux