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Avis d Experts

Encadrement des loyers : les professionnels ont-ils raison de faire cause commune avec les bailleurs en direct?

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Un chiffre doit être rappelé, d'ailleurs peu connu même des professionnels immobiliers: les 2/3 des 6 millions de logements locatifs privés en France sont gérés par leurs propriétaires en direct, sans le concours d'un administrateur de biens.

Les deux parcs sont-ils alors différemment pilotés et présentent-ils des caractéristiques différentes? Oui, sans aucun doute. Au point qu'on peut se demander si les organisations professionnelles ont eu raison de faire cause commune avec les associations de propriétaires au moment de combattre les dispositions contraignantes de la loi Alur inspirée par Cécile Duflot. Au demeurant, l'UNPI et la Chambre nationale des propriétaires ne déméritent d'ailleurs pas: elles font toutes choses, notamment par la formation et l'information, pour que leurs adhérents gagnent en rigueur dans la gestion de leurs biens. Elles ont aussi des accords avec des professionnels, pour preuve qu'elles sont favorables à la délégation de gestion.

En attendant, on ne peut nier qu'un certain nombre de dispostions de nature à réguler les locations soient in fine favorables aux professionnels et moins digestes pour les particuliers. Je pense au bail type, aux constats d'état des lieux, je pense même à l'encadrement des loyers. Justement, deux études viennent de paraître, qui accréditent que le marché des locations en direct et le marché intermédié ne marchent pas du même pas... C'est d'abord l'association des majors de l'administration de biens, Plurience, qui nous dit que dans le portefeuille des professionnels leaders de la gestion 15% des loyers ont baissé mécaniquement sous l'effet de l'encadrement et que 7% ont bénéficié d'un redressement grâce au complément de loyer instauré par la loi.

Qu'en penser? Que les loyers pratiqués sur le conseil des professionnels avant l'encadrement étaient pour leur écrasante majorité des loyers de raison, et que l'écrêtement ne les a pas affectés! Je ne pense pas que le constat soit le même du côté de l'autogestion.

L'autre étude émane de la CLCV, et elle fait apparaître que 47% des annonces de particuliers seulement sont conformes à l'encadrement, contre 70% pour les professionnels, chiffres obtenus à partir de l'observation des sites d'enseignes. Encore faut-il dire pour être honnête que l'écart type est considérable, entre le site de la Fnaim (59%) et celui de Century 21 (80%). Cette différence est naturelle: un syndicat n'a pas sur ses membres la même autorité qu'une tête de réseau commercial. Retenons surtout que les professionnels font beaucoup mieux que les particuliers...notamment parce que le travail de correction des loyers -ndlr l'étude de Plurience- est autrement plus facile pour eux: les particuliers partent de plus loin et l'écrêtement est plus douloureux pour eux.

On voit aussi que le rôle de conseil des professionnels trouve tout son sens avec l'encadrement: faut-il se mettre au niveau du loyer de référence, 10% au-dessus, au maximum c'est-à-dire 20% au-dessus? Peut-on prétendre à un loyer complémentaire eu égard aux prestations du logement? M'est avis que l'encadrement pourrait dans ce contexte faire croître le taux de pénétration des agents immobiliers et des administrateurs de biens. Encore faut-il que leur posture politique évolue... Ils n'obtiendront pas cet heureux résultat sans donner le sentiment à la communauté des bailleurs qu'ils savent faire avec l'encadrement, et que cette disposition n'est pas la fin de l'investissement. J'ai déploré et je le déplore encore que les discours dominants des professionnels laissent l'impression de la revendication permanente plutôt que de la volonté d'utiliser la règlementation au profit bien compris des bailleurs et des locataires. L'encadrement est une chance pour la professionnalisation du marché locatif et du parc privé.

Henry Buzy-Cazaux