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Avis d Experts

Il faut donc abandonner…

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L’application de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 prévoyant le transfert du bail en cas d’abandon du domicile par le locataire nécessite souvent une analyse factuelle des situations soumises à l’appréciation des tribunaux.

L'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit, en cas d'abandon du domicile par le locataire, que le contrat de bail puisse continuer au profit, selon des conditions différentes, du conjoint, de descendant, du partenaire, des ascendants, concubins, personnes à charge....
Mais la condition est l'abandon du domicile par le locataire, la jurisprudence estimant que le départ du locataire devait être brusque et imprévisible.
Ainsi, un départ annoncé ne peut être considéré comme un abandon de domicile et empêche, selon la jurisprudence, le transfert du bail.
En quelque sorte, la brutalité est exigée.

La jurisprudence analyse au cas par cas les situations :
- Ainsi, une cour d'appel avait estimé que le placement en maison de retraite, de manière définitive, après une hospitalisation ne pouvait être considéré comme l'événement brutal et imprévisible caractérisant l'abandon du domicile.
Elle avait estimé que l'hospitalisation avait été motivée par la nécessité de prodiguer des soins à la locataire qui, en raison de son âge et de son état de santé, ne pouvaient l'être à son domicile et non par la nécessité de lui faire subir une intervention chirurgicale ayant le caractère d'urgence. Elle avait estimé encore que le placement en maison de retraite était intervenu à l'issue d'un séjour hospitalier de plus de quatre mois, ce qui supposait une procédure préalable d'admission et ne pouvait être considéré comme un événement brutal et imprévisible. La Cour de Cassation, par un arrêt du 26 novembre 2008 (07 - 17 728) a quant à elle estimé que le placement définitif d'un locataire en maison de retraite imposé à l'une des personnes mentionnées à l'article 14, de la loi du 6 juillet 1989 constituait un abandon du domicile au sens de cet article.
Ce cas d'abandon permet bien sûr la transmission du bail aux bénéficiaires visés par l'article 14 de la loi.

- Dans un autre arrêt 8 juillet 2009 intervenant dans une espèce où la locataire vivait avec sa fille, la Cour de Cassation a estimé que le départ définitif du locataire quittant son logement, sans informer sa fille restant dans les lieux, de sa nouvelle adresse ni lui donner de nouvelles constitue bien un abandon de domicile.

Dans l'hypothèse, sans préjudice de l'article 1751 du Code civil, d’un couple qui se sépare il ne faudra donc pas que la rupture soit trop aimable, mais présente un caractère de brusque départ, sans organisation conjointe de celui-ci.

Pour ma part, j'ai en délibéré, l'histoire d'un brave homme ayant vécu avec une douce femme déjà locataire d'un appartement. Le couple se sépare amiablement, l'homme reste dans les lieux et trouve une autre compagne. Mais le propriétaire se réveille et agite, comme un couperet, l'article 14, en demandant l’expulsion contestant l’abandon
Nous verrons ce que dira le juge, mais c’est vrai, là, que mon histoire manque de brusquerie….

Jean de Valon