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Le copropriétaire non raccordé au chauffage collectif doit-il payer les charges ?

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Il est parfois irritant pour un copropriétaire de se voir réclamer des charges de copropriété relative au chauffage alors qu'il n'est pas raccordé à ce chauffage commun et que non seulement il paye lui-même son installation de chauffage et sa consommation mais qu'au surplus il se voit réclamer par la copropriété des charges pour une installation collective qu'il n'utilise pas.

Il existe un contentieux sur ce sujet dont l'intérêt financier n'est pas négligeable.

Les juges adoptent des solutions variables selon les situations.

Supposons tout d'abord que le copropriétaire en question a décidé lui-même de défaire le raccordement à l'installation de chauffage commune, préférant se satisfaire d'une installation individuelle.

Dans ce cas, il ne peut sérieusement prétendre échapper au paiement des charges collectives de chauffage et les juges le condamneront à les payer.

Le second cas est celui du copropriétaire qui n'est pas encore raccordé alors qu'il est cependant équipé pour pouvoir être raccordé.

Là encore les juges considèrent qu'il doit payer les charges, même s'il est dans l'attente de ce raccordement.

Supposons maintenant que le copropriétaire en question n'est pas raccordé et que techniquement il ne peut pas l'être.

Dans ce cas, il n'a pas à payer les charges de copropriété relative au chauffage, parce que l'installation d'équipement commun de chauffage ne présente pas d'utilité pour lui.

Il en est de même, selon les tribunaux, dans le cas ou des travaux importants sont nécessaires pour procéder à ce raccordement, et que ces travaux sont onéreux. Dans cette hypothèse également, l'installation ne susceptibles d'avoir aucune utilité pour se copropriétaires qui n'a pas à payer les charges correspondant au chauffage.

En revanche, le copropriétaire pourra être considéré comme devant payer les charges de chauffage, et si le raccordement est techniquement possible.

Enfin, on notera que la Cour de Cassation a été amenée à statuer sur le cas d'un copropriétaire qui bénéficiait de la chaleur provenant des colonnes montantes de chauffage traversant son lot, qui a cependant été dispensé de participer aux charges de chauffage.

Voici quelques décisions rendues sur ce sujet :

1°)

“Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 28 novembre 1996), statuant sur renvoi après cassation, que propriétaire d'un lot de copropriété n° 4 traversé par les canalisations de l'installation collective de chauffage, sans être desservi par cette installation, la Société civile immobilière du carrefour de Charonne-Bagnolet (SICAR), a assigné le syndicat des copropriétaires pour faire déclarer non écrite la clause du règlement de copropriété imputant une quote-part des charges du chauffage à ce lot et pour être exonérée de toute participation à toutes les dépenses y afférentes ;

Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, 1° que l'utilité objective de l'installation collective de chauffage dont les canalisations traversent un lot, n'est écartée que si le raccordement suppose des travaux importants et d'un coût prohibitif ; qu'en écartant l'utilité objective de l'installation commune de chauffage pour le lot n° 4, en l'absence de " robinet d'attente, vanne ou té de dérivation " sur les canalisations communes traversant ce lot, sans constater la nécessité de travaux importants pour le raccordement d'appareils de chauffage à l'installation commune dans ce lot, ni leur coût exorbitant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ; 2° que l'installation d'un chauffage individuel ne dispense pas le copropriétaire de la participation aux charges d'entretien et de réparation de l'installation collective de chauffage qui présente une utilité pour son lot ; que, la cour d'appel qui, pour écarter l'utilité objective de l'installation collective de chauffage pour le lot n° 4, relève par ailleurs la circonstance inopérante, que le chauffage du lot n° 4 était assuré par l'installation particulière du lot n° 1, a violé l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 par refus d'application ; 3° que l'appel n'est pas recevable lorsque le jugement rendu conformément aux conclusions du syndicat des copropriétaires ne lui fait aucun grief ; qu'il ressort des énonciations du jugement de première instance, qu'en réduisant à 17/1900e la participation de la SICAR aux charges, le Tribunal a fait droit à la demande formulée par la SICAR dans des conclusions signifiées le 5 avril 1990, à la suite du rapport d'expertise ; que, dès lors, en déclarant son appel incident recevable de ce chef, la cour d'appel a violé l'article 546 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que le jugement n'ayant pas accueilli en son entier la demande expresse de la SICAR, figurant dans son assignation du 10 octobre 1988, d'être déchargée de toute participation dans la totalité des dépenses de chauffage commun et ayant seulement réduit la quote-part de sa participation aux dépenses de fonctionnement de cet équipement, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que cette copropriétaire était recevable à former un appel incident tendant à se voir aussi déchargée de ces dépenses de fonctionnement ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que la situation du lot n° 4 décrite dans le règlement de copropriété du 23 juillet 1956, ne correspondait pas aux plans de construction et d'aménagement de ce lot, approuvés le 15 juin 1956 par l'auteur de ce règlement, que ce lot était intégré depuis l'origine dans l'ensemble commercial situé au rez-de-chaussée et au sous-sol de l'immeuble, totalement indépendant du reste de l'immeuble, cet ensemble étant autorisé, de par les stipulations du règlement, à disposer d'une chaufferie et d'une installation autonomes et constaté que les colonnes montantes de l'installation collective qui traversent le lot, pour la desserte des étages supérieurs, ne comportait aucun robinet d'attente, vanne ou té de dérivation, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de se prononcer sur l'utilité virtuelle de l'installation commune pour le lot du fait de travaux de raccordement éventuels et, dès lors, de rechercher l'importance et le coût de tels travaux, que les services procurés par l'installation collective du chauffage”

2°)

“Attendu qu'ayant relevé qu'il résultait des pièces versées aux débats et notamment d'une lettre de l'APAVE que le chauffage collectif des pavillons indépendants n'avait pas fonctionné, que, contrairement aux affirmations du syndicat, les copropriétaires concernés avaient très tôt informé le syndic des difficultés rencontrées, puisqu'au cours de l'assemblée générale du 7 novembre 1985, il avait été décidé que" le syndic consulterait la société GEM afin de savoir s'il était possible de désolidariser les pavillons particulièrement mal desservis du chauffage de l'immeuble" et qu'au cours de l'assemblée générale du 11 avril 1986 "à l'unanimité, les copropriétaires demandaient de faire une pré-étude par l'entreprise qui exploitait l'installation et suivant la teneur de ce rapport, le conseil syndical déciderait s'il était nécessaire ou non de faire procéder à un diagnostic thermique", la cour d'appel qui n'était pas

tenue de répondre à une simple argumentation, a pu décider que les propriétaires des pavillons n'étaient pas tenus de payer les charges afférentes au chauffage collectif dès lors qu'il était démontré qu'ils n'avaient pas pu en bénéficier, et que lechauffage collectif ne présentait aucune utilité pour leurs pavillons.”

3°)

“Attendu, d'une part, qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'erreur du notaire lors de la division du lot n° 29 n'était pas préjudiciable aux intérêts des copropriétaires et n'avait aucune incidence sur la répartition des charges imputables aux époux X..., qu'à chaque modification du règlement de copropriété, les millièmes des lots supprimés avaient été attribués aux nouveaux lots créés, et qu'un tableau récapitulatif conforme à l'article 71 B-2 du décret du 14 octobre 1955 avait été établi et que si les époux X... étaient recevables à critiquer la répartition des charges, ils ne rapportaient pas la preuve de leurs allégations, la cour d'appel a pu en déduire que leurs demandes n'étaient pas fondées ;

Attendu, d'autre part, qu' ayant constaté que le syndicat des copropriétaires du 142, rue de Picpus était constitué de deux bâtiments, et que ni le bâtiment sur cour ni les chambres de service du 7e étage du bâtiment sur rue et le lot n° 51 situé au rez-de-chaussée de ce bâtiment, n'étaient raccordés à l'installation de chauffage central, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant que le chauffage ne présentant pas d'utilité pour ces lots, ils n'avaient pas à participer aux charges de chauffage.”

4°)

“Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juin 1992), que, propriétaire d'un lot de copropriété, traversé par les canalisations de l'installation collective de chauffage, sans être desservie par cette installation, la Société civile immobilière du carrefour Charonne-Bagnolet a assigné le syndicat des copropriétaires pour faire réputer non écrite la clause du règlement de copropriété imputant une quote-part des charges de chauffage à ce lot ;

Attendu que, pour diminuer cette quote-part, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir constaté que l'équipement commun de chauffage n'était d'aucune utilité pour le lot, retient que celui-ci bénéficie de calories à partir des colonnes montantes de l'immeuble ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui se contredisent, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article susvisé.”

Christophe Buffet