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Le logement écologique sera-t-il encore un luxe dans 5 ans ?

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Dans l’imaginaire collectif, le logement écologique est encore une maison d’architecte recouverte de panneaux solaires, habitée par un couple de norvégiens adeptes de la méthode Pilates. La situation évolue et si d’énormes inégalités persistent, le logement écologique suscite de plus en plus d’intérêt et pourrait bien devenir un standard plus vite qu’on ne le pense.

Deux facteurs influent sur les factures énergétiques des Français : le prix de l’énergie domestique qui ne cesse d’augmenter et la multiplication des appareils qui consomment (éclairage, cuisson, télévision, ordinateur, en plus du chauffage).De plus en plus, les consommateurs ne se limitent plus à l’acquisition d’un chauffage qui leur permettrait de faire des économies. Ils savent que même équipés d’électroménager « vert », l’isolation de la maisonest la meilleure alliée d’une facture allégée.

Les grandes enseignes de bricolage l’ont bien compris et promeuvent des produits pour optimiser ces différents postes de consommation énergétique. Avant Bricorama, le GIEC¹ a acquis sa légitimité en communiquant vers le grand public à travers des mesures simples, les « écogestes »,qui faisaient que chacun pouvait lutter chez lui contre le réchauffement climatique. Il mentionne depuis déjà 10 ans l’usage des ampoules basses consommation, qui réduisent la facture en fin de mois.La « sobriété énergétique » a fait son chemin : elle implique, dans l’appréhension du logement, un lieu de vie moins consommateur d’énergie dans sa conception, ses équipements, et qui revient moins cher à ceux qui y vivent. Un argument massue en temps de crise.

Et si la « rénovation thermique » était le bio de demain ?

Ce terme aujourd’hui encore un peu étrange sera peut être l’équivalent du « bio » dans 5 ans. En effet, la force de convergence entre les industriels et des consommateurs de plus en plus avisés et engagés, est grandissante. Schneider Electric développe, sur le principe des « Box » internet, des boîtiers de pilotage de la consommation d’énergie du logement qui peuvent, en fonction de la configuration, faire économiser jusqu’à 30% de la facture.

Cette dynamique est parfois encouragée par les pouvoirs publics et les collectivités locales, qui soutiennent l’installation des capteurs nécessaires dès la conception des logements sociaux. Les abattements fiscaux sur les installations « écologiques », comme les chaudières à gaz à condensation, ou sur la meilleure isolation des logements anciens, sont importants.

De là à parler de démocratisation, il reste un monde. Mais les initiatives remportent d’autant plus l’adhésion qu’elles sont un enjeu politique pour les collectivités locales, car intrinsèquement liées à la numérisation du logement, sujet sur lequel les pouvoirs publics admettent enfin que la France a pris du retard.

Faire confiance au consommateur : une valeur sûre

Enfin, et en cela le numérique est un outil de propagation formidable, il existe un grand nombre « d’astuces écolos » que se partagent les internautes. Des blogueurs référents aux particuliers inspirés, les idées non coûteuses affluent, souvent issues des pratiques de l’économie collaborative. Exemple : sur un petit chantier, ou sur un immeuble qui compte deux rénovations d’appartements, on mutualise l’évacuation des gravats, comme d’autres mutualisent les camions de transport de marchandises vides qui rentrent au bercail pour leur déménagement. Il n’y a plus qu’à attendre les déchèteries mobiles de quartier (4 600 communes équipées en 2010 selon l’Ademe² ).

Quand on sait que 67% des moins de 45 ans désirent, dans 10 ans,« un logement avec une meilleure isolation, une bonne performance énergétique, une meilleure luminosité, et plus d’espace³ », on peut penser que l’écologie de la maison, poussée par une triple logique économique, industrielle et collaborative, pour devenir plus vite démocratique qu’on ne l’imagine.

Reste au système institutionnel français, qui pèche parfois en termes de capacité à stimuler des changements collectifs d’envergure, à prendre le tournant, à l’instar des Pays-Bas ou de l’Allemagne, c’est-à-dire inciter l’innovation sociale en favorisant les initiatives collectives au niveau local.

¹ Groupe d’Expert Intergouvernemental sur l’évolution du climat
² Ademe : agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie
³ Etude Ipsos pour Le moniteur, 2011

Thierry Langlois