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Loi Alur et impayés locatifs : Le chemin de croix du bailleur

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Les dispositions régissant les impayés locatifs, à force de volonté de protection, ont édifié un univers kafkaïen, administré qui devient illisible pour le commun des mortels et mortel pour le commun des bailleurs.

L'article 27 de la loi ALUR dans la lignée de la construction législative précédente ajoute des règles protectrices des locataires mais, à l’inverse, probablement préjudiciables certes au bailleur, mais surtout au marché locatif.

Il modifie l’équilibre, si l’on peut dire, de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 qui permettait au bailleur, de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire à son profit par le président du Tribunal d'instance statuant en référé.

Cela en définissant de nouvelles règles, avant, pendant et après la procédure. Ainsi, nouveauté, à compter du 1er janvier 2015, le bailleur personne morale devra impérativement et à peine de nullité, dénoncer son assignation à la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives créée par l'article 7-2 de la loi n°90-449 du 31 mai 1990, lui-même créé par la Loi Alur.

Par ailleurs, l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 permettra au Juge, en son d'accorder au locataire, même d'office, c'est-à-dire même si le locataire ne le demande pas, un délai de 36 mois pour s'acquitter de sa dette, étant rappelé que ce délai était jusqu'alors de 24 mois !

Je ne peux résister au plaisir de vous offrir cette fluide lecture avant celle des décrets attendus :

Article 24 loi 6 juillet 1989, modifié par LOI n°2014-366 du 24 mars 2014 - art. 27 (V)

I. Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

- Le commandement de payer reproduit, à peine de nullité, les dispositions du présent article et des trois premiers alinéas de l'article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant la mise en œuvre du droit au logement, en mentionnant la faculté pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement, dont l'adresse de saisine est précisée…

Le représentant de l'Etat dans le département fixe, par arrêté, le montant et l'ancienneté de la dette au-delà desquels les commandements de payer, délivrés à compter du 1er janvier 2015 pour le compte d'un bailleur personne physique ou société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus, sont signalés par l'huissier de justice à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. Ce signalement est fait dès lors que l'un des deux seuils est atteint, par simple lettre reprenant les éléments essentiels du commandement. Il peut s'effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret.

L'arrêté mentionné à l'avant-dernier alinéa du présent I est pris après avis du comité responsable du plan départemental d'action pour l'hébergement et le logement des personnes défavorisées ainsi que de la chambre départementale des huissiers de justice. Les modalités de détermination du montant et de l'ancienneté de la dette au-delà desquels les commandements sont signalés sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

II.

- A compter du 1er janvier 2015, les bailleurs personnes morales autres qu'une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus ne peuvent faire délivrer, sous peine d'irrecevabilité de la demande, une assignation aux fins de constat de résiliation du bail avant l'expiration d'un délai de deux mois suivant la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. Cette saisine est réputée constituée lorsque persiste une situation d'impayés, préalablement signalée dans les conditions réglementaires aux organismes payeurs des aides au logement en vue d'assurer le maintien du versement des aides mentionnées à l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation et aux articles L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale. Cette saisine peut s'effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret.

III.

- A peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l'huissier de justice au représentant de l'Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au moins deux mois avant l'audience, afin qu'il saisisse l'organisme compétent désigné par le plan départemental pour l'hébergement et le logement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l'offre globale de services d'accompagnement vers et dans le logement prévue à l'article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. Cette saisine peut s'effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret. L'organisme saisi réalise un diagnostic social et financier au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations, et le transmet au juge avant l'audience, ainsi qu'à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ; le cas échéant, les observations écrites des intéressés sont jointes au diagnostic. … V. Le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1244-1 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. L'article 1244-2 du même code s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 6 de la présente loi.

Pendant le cours des délais ainsi accordés, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus ; ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué ; dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

Mais le locataire pourra alors solliciter devant le Juge de l'exécution des délais pour quitter les lieux qui ne peuvent être inférieurs à 3 mois, et peuvent aller jusqu'à 36 mois. (Article L412-4 Code des procédures d’exécution)

Enfin, si cela ne suffit pas, le locataire pourra déposer un dossier de surendettement si la Commission de surendettement estime que sa situation financière est définitivement obérée, elle proposera proposer au juge d'instance de prononcer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, qui conduira à l'effacement pur et simple des dettes du débiteur, y compris sa dette de loyers ! (Article L332-5 code de la consommation)

Bien sûr, me direz-vous, il faut que le locataire soit jugé de bonne foi, mais la pratique apprend que, confronté à la masse de ce contentieux, le juge ne va quasiment jamais considérer que locataire est de mauvaise foi.

L’effacement de la dette locative est désormais une réalité et cette accumulation de règles protectrices génère désormais la peur de louer car il faut se rappeler que la majorité des bailleurs sont des épargnants ayant voulu se constituer ou un complément de revenus ou une retraite mais ne sont pas ces êtres méchants que les députés paraissent voir depuis des décennies !

Jean de Valon