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Loi Alur : quel impact sur le marché de la location meublée saisonnière ?

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Depuis la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) du 24 mars 2014, la location saisonnière est officialisée et encadrée. Les particuliers peuvent donc légalement louer leur appartement à des vacanciers sur de courtes durées. Malgré cette réglementation, l’impact de cette pratique sur l'économie immobilière demeure considérable, en particulier à Paris.

Au moment où « l’uberisation » de l’économie est au cœur du débat, l’une de ses formes les plus criantes, la location saisonnière, n’en finit pas de se développer. Mettre son logement en location pendant son absence devient une pratique de plus en plus courante. Tandis que beaucoup de particuliers utilisent ce système pour « rentabiliser » leur logement pendant leurs vacances, d'autres propriétaires profitent de la demande croissante pour mettre en location plusieurs résidences secondaires à des prix bien supérieurs à celui du marché. Si les hôteliers crient à la concurrence déloyale, ils ne sont pas les seuls à pâtir de cette nouvelle économie : les locataires à la recherche de contrats de bail traditionnels, qui voient l'offre de logements offerts à la location diminuer et les loyers augmenter, sont également concernés.

Devant l’ampleur du phénomène, la loi Alur est intervenue pour réglementer ce nouveau secteur d’activité et tenter de protéger le marché de la location immobilière. Une réglementation semblant encore insuffisante, comme cela a pu être constaté récemment à Paris.

La régulation opérée par la loi Alur : quelles contraintes pour louer son logement ?

Le développement des sites de mise en relation de particuliers à particuliers pour la location meublée touristique a eu un impact sur le chiffre d'affaire des hôteliers, pour qui il s'agit d'une concurrence directe, mais aussi sur le marché de la location traditionnelle. Les prix pratiqués par ces particuliers, s'ils restent plus avantageux que ceux proposés par l'hôtellerie, sont en effet en moyenne deux à trois fois plus élevés que celui des locations meublées classiques. Il en résulte une baisse de l'offre locative traditionnelle ainsi qu'une hausse des prix des loyers.

C'est pourquoi la loi Alur est venue encadrer cette offre de location saisonnière, en imposant notamment l'obtention d'une autorisation de changement d'usage du logement par la mairie pour la mise en location d'une résidence secondaire. En effet, le logement secondaire ainsi loué devient alors un logement affecté non à usage d'habitation mais à usage commercial. Cette disposition est applicable dans les villes de la petite couronne et dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants, et concerne les logements dans lesquels le propriétaire réside moins de 8 mois de l'année.

Cet encadrement, supposé faire face à la pénurie de logements et à la hausse des loyers, n'a pas eu l'effet escompté. A Paris notamment, le problème lié à la location saisonnière est loin d'être résolu.

Louer son logement à Paris : les règles spécifiques

A Paris, un régime spécifique a été mis en place, dès novembre 2014, pour tenter de protéger l'offre de logement locatifs traditionnels. Ainsi, la demande de changement d'usage à la mairie doit s'accompagner d'une compensation, c'est-à-dire de la transformation de locaux à usage commerciaux en logements, afin de compenser les mètres carrés affectés au nouveau commerce par des mètres carrés réservés à l'habitation. L'idée est donc de maintenir le nombre de mètres carrés habitables dans la ville. Dans les quartiers centraux, la compensation doit même s'effectuer pour le double de mètres carrés de celui du logement mis en location saisonnière. Ce local à usage commercial transformé en logement peut appartenir au même propriétaire, mais également à un tiers, qui permettra, moyennant un certain coût, cette transformation.

Pour éviter la pratique de la décentralisation de la compensation, à savoir le fait de compenser la « perte » d'un logement d'habitation dans un quartier central et touristique par la transformation d'un local commercial en logement d'habitation dans un quartier plus excentré et moins coûteux, cette compensation doit depuis le 1er janvier 2015 être réalisée dans le même arrondissement.

Cependant, les contrôles de masse effectués à Paris avant l'été montrent bien que cette réglementation est mal respectée. Malgré les sanctions lourdes prévues en cas de non-respect de ces règles, certains propriétaires continuent de louer de nombreuses résidences secondaires à prix fort, privant le marché de biens à louer, et contribuant ainsi à la hausse des loyers. Selon l'adjoint au logement Ian Brossat, 70% des 30 0000 meublés à Paris seraient illégaux.

Reste à savoir si le dispositif d’encadrement des loyers prévu par la loi Alur mis en place par le décret n°2015-650 du 12 juin 2015, et amené à entrer en vigueur à Paris dès le 1er août 2015, permettra, à défaut d'augmenter le nombre de logements locatifs disponibles, d'enrayer les conséquences de cette inflation en faveur des locataires permanents.

Thomas Rivoire