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Marché locatif privé : Rentabilité en danger

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Marquée par une échéance électorale et une économie déprimée, l’année 2012 voit le dynamisme du marché locatif privé accuser le coup. Vraie tendance ou situation provisoire, pour l’heure, rien n’est sûr. Quoi qu’il en soit, les indicateurs sont peu encourageants pour les propriétaires-bailleurs dont la rentabilité locative décline.

Sans conteste, la période des six derniers mois a montré des signes de ralentissement de l’immobilier locatif. Loyers en baisse, périodes de vacances locatives rallongées, mobilité résidentielle en berne, tous les marqueurs fléchissent. Résultat : pour la première fois depuis 1998, les prix des loyers flanchent de 0,1 % au premier trimestre 2012 (12,4 euros du mètre carré contre 12,5 en 2011) selon l’Observatoire Clameur. Si le recul paraît encore peu significatif et ne concerne que le début de l’année, il est cependant de mauvais augure. De fait, entre 1998 et 2012, les prix ont toujours progressé, d’environ 2,9 % par an en moyenne.

Certes, entre mai 2011 et mai 2012, l’indice a encore augmenté de 0,9 %, mais bien moins que l’inflation qui atteint 2,1 % sur la même période. En cause de cette dégradation en chaîne du marché, une réduction notable de la demande. Les retombées de la crise sur la conjoncture économique et le pouvoir d’achat ont freiné les ardeurs des potentiels locataires, peu enclins à déménager dans un contexte général inquiétant. Ainsi, l’Observatoire Clameur enregistre un repli de 5,1 % de la mobilité résidentielle depuis le début de l’année (27,5% en 2011 contre 26,1 % en 2012). En conséquence, les habitudes du secteur changent : le rapport de force s’inverse en faveur d’une demande plus exigeante tandis que les bailleurs sont contraints de faire davantage d’efforts pour parvenir à louer leur bien et contenir un rendement locatif qui s’étiole.

Une baisse en pente douce mais générale

La tendance baissière des loyers touche désormais l’ensemble du territoire et notamment les grandes villes. Selon la dernière étude de l’Observatoire Clameur, sur 80 villes qui comptent plus de 60 000 habitants, 42 enregistrent une baisse des loyers plus ou moins importante : -2,6 % pour Bordeaux, -2,7 % pour Toulouse, -3,7 % pour Nancy ou encore -0,6 % pour Strasbourg. Même la capitale, où les prix atteignent toujours des sommets, perd 0,6 % sur les trois premiers mois de l’année. Néanmoins, s’ils ont stoppé leur ascension, les montants des loyers restent difficiles d’accès pour de nombreux ménages. En effet, face à un contexte économique difficile, les loueurs n’ont parfois d’autres options que de réduire le prix du loyer pour trouver preneur éligible. Car si la demande est frileuse et exigeante, les garanties (trois fois le montant du loyer en revenu net) réclamées par les propriétaires limitent aussi le nombre de potentiels candidats.

Rentabilité locative en jeu

Si les locataires ne se plaindront pas du coup du frein sur les loyers, en revanche, il n’arrange pas les affaires des propriétaires-bailleurs dont la rentabilité locative ne cesse de s’amoindrir. Aujourd’hui, en moyenne, le rendement se situe à 4 % avant impôt alors qu’il atteignait 6,5 % il y a dix ans. Sans compter que dans le même temps la fiscalité en la matière a augmenté. Par ailleurs, conséquence de la faible mobilité résidentielle, la période de vacance locative a tendance à s’allonger. Sa durée moyenne atteint désormais neuf semaines, ce qui représente une perte de 4,8 % du cumul des loyers perçus à l’année. Dans ces conditions, la rentabilité n’est non seulement pas assurée mais les risques de déficits sont multipliés.

Qualité des biens en hausse

Aussi, dans ce contexte concurrentiel et attentiste, s’ils ne veulent pas que leurs biens restent vacants, les propriétaires sont non seulement contraints de le louer à un prix raisonnable mais aussi de proposer un logement en parfait état. D’ailleurs le taux d’effort d’amélioration et d’entretien a atteint son record cette année. Selon l’observatoire Clameur, il se situe désormais à 37,2 % par rapport à une moyenne de 18,1 % entre 1998 et 2012. Si l’amélioration d’un bien représente un investissement supplémentaire pour le bailleur, elle limite les risques de vacance locative et constitue le seul moyen de justifier un loyer plus cher à la relocation. En effet, en 2011, la valeur locative d’un bien reloué après travaux augmentait de 9,1 % alors qu’elle perdait 7,1 % pour un logement reloué en l’état.

Le jeu en vaut donc la chandelle, du moins pour l’heure, en attendant la présentation du dispositif global d’encadrement des loyers prévu par le nouveau gouvernement. On sait en effet que dès la rentrée, le décret de blocage des loyers à la relocation dans les zones tendues sera appliqué. Déjà en vigueur à Paris, il sera étendu aux régions parisienne et PACA.

Patrick Chappey