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Nullité du congé délivré par le bailleur et conséquences pour le preneur parti

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Même en cas de nullité du congé délivré par le bailleur, le preneur, qui est parti des lieux à la fin du bail, a droit à une indemnité d’éviction.

Plus précisément, le preneur auquel un congé sans motif est délivré peut quitter les lieux sans attendre l’issue de la procédure judiciaire qu’il a initiée et sa demande en constat de la nullité du congé pour défaut de motif ne peut le priver de son droit à indemnité d’éviction.

Parce que le congé est un acte unilatéral, il ne peut être révoqué qu’avec l’accord du destinataire ( Civ. 3e, 4 févr. 2009, n° 07-20.980 ; 30 sept. 2009, n° 08-13.756 ; Cour d’appel de Grenoble Chambre commerciale, 19 Décembre 2013 n° 10/04559).

En matière de statut des baux commerciaux, cette affirmation implique que, lorsque le bailleur a délivré à tort un congé sanction à son cocontractant, celui-ci est créancier d’une indemnité d’éviction (Civ. 3e, 1er févr. 1995, n° 93-14.808 ; Civ. 3e,1er avr. 1998, n° 96-14.638 ; Civ. 3e,25 nov. 2009, n° 08-21.029).

Et la solution vaut également lorsque, comme au cas particulier, en contradiction avec la lettre de l’article L. 145-9, in fine, du code de commerce le bailleur a délivré, sans le motiver, un congé sans offre de renouvellement ni indemnité d’éviction.

En l’espèce, après avoir assigné le bailleur en vue d’obtenir la nullité du congé et la reconnaissance de son droit à percevoir l’indemnité prévue à l’article L. 145-14 du code de commerce, et alors que l’instance était pendante, le preneur désireux de cesser son activité a effectivement quitté les lieux et restitué les clés.

Reconventionnellement, le bailleur a alors demandé le paiement des loyers et des charges.

Saisie du litige, la cour d’appel de Colmar a, pour rejeter la demande du preneur, estimé qu’en raison de son défaut de motifs, le congé était nul et ne pouvait produire aucun effet, si bien que le bail initial s’était poursuivi au-delà de son terme contractuel par tacite reconduction pour une durée indéterminée, qu’il n’a été rompu qu’à l’initiative du preneur. La cour ajoute que le départ volontaire du locataire sans attendre l’issue de la procédure en nullité du congé qu’il a lui-même initiée ne constitue pas un cas légal d’ouverture à paiement d’une indemnité d’éviction.

Cette solution est censurée au visa des articles L. 145-9, dernier alinéa, L. 145-14, alinéa 1er, et L. 145-17 du code de commerce.

Tirant toutes les conséquences du caractère irrévocable d’un congé même irrégulier, la Cour de cassation affirme, d’une part que le preneur pouvait quitter les lieux alors même que l’instance était en cours et, d’autre part, que cette circonstance ne le rendait pas inéligible à l’octroi de l’indemnité d’éviction.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 19 février 2014 n° 11-28806

Gabriel Neu-Janicki