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Plantations et bon voisinage

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En ce début d’été, il peut être utile de revenir sur la question des plantations dans les rapports de voisinage.

Le Code civil consacre plusieurs articles à cette question, qui donne lieu à de fréquents litiges devant les Tribunaux.

Ainsi, l’article 671 du Code dispose que l’on doit respecter une distance de 2 m de la limite de propriété pour les plantations dont la hauteur dépasse 2 m et de 50 cm pour les autres plantations, mesurée à partir du milieu du tronc. En cas de non-respect de cette distance, le voisin concerné peut exiger que les plantations soient arrachées ou réduites à 2 m, en vertu de l’article 672. En outre, en vertu de l’article 673 du Code, celui sur la propriété duquel avancent les branches peut contraindre son voisin à les couper. Il peut également couper lui-même des racines envahissant sa propriété.

Selon la jurisprudence, ces règles doivent être respectées en toute saison, indépendamment de critères esthétiques ou d’équité. Toutefois, le droit applicable est plus foisonnant que ne le laisse penser l’apparente simplicité de ces textes.

D’une part, en effet, les règles de distance de l’article 671 du Code civil ne s’appliquent qu’à défaut de règlements ou d’usages constants et reconnus.

Ces règles spéciales sont nombreuses. Ainsi, par règlement, on entend autant les règles d’urbanismes spécifiques à une commune que les règles contractuelles propres à un lotissement, une association syndicale, une copropriété.

Quant aux usages locaux, la jurisprudence en offre de multiples exemples. Ainsi, il résulte d’une jurisprudence constante des Cours d’appel de Paris et d’Aix en Provence qu’aucune distance n’est prescrite pour les plantations des cours et jardins de Paris et de l’agglomération parisienne, comme de Marseille ou d’autres zones semi-urbaines de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

La Cour d’appel de Versailles a relevé les mêmes usages dans certaines communes de son ressort situées dans la proche banlieue pavillonnaire de la région parisienne ou en zone fortement boisée (ex : en forêt de Rambouillet).

De même, la Cour d’appel de Rouen a appliqué « la coutume ancestrale du Pays de Caux, laquelle fait expressément référence au Code des usages locaux de Seine-Maritime » ; celle de Caen, le Code des Coutumes et usages locaux de la Manche ; celle de Pau, une tradition locale de « planter des arbres de haute futaie le long des lignes divisoires » ; celle de Montpellier, « les usages séculaires du Roussillon ».

D’autre part, les règles de distance de l’article 671 peuvent être mises en échec si les plantations litigieuses ont plus de trente ans, ce qui peut être prouvé par tout moyen, y compris photographique ou botanique (croissance de l’espèce en cause).

Il reste que, même si une plantation est à bonne distance, son propriétaire peut se voir contraint à l’élaguer voire à l’arracher, lorsqu’elle cause un trouble anormal au voisinage. Les exemples de troubles anormaux sont nombreux : réduction excessive voire privation de vue ou d’ensoleillement, sol glissant lors de la chute du feuillage, risque de chute d’arbres anciens, invasion de racines pouvant endommager les constructions voisines, etc.

Rappelons néanmoins que la proximité des plantations n’a pas que des inconvénients :l’article 673 du Code civil nous autorise expressément à nous régaler des fruits tombés naturellement des branches de l’arbre de notre voisin sur notre terrain.

Sophie Erignac-Godefroy