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Réforme des aides au logement : pschitt !

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L'onomatopée est devenue célèbre grâce à deux contributeurs de nature bien différente. Le Pschitt - j'étais enfant - était un soda gazéifié à l'orange ou au citron, et sa marque tenait au bruit que le bouchon faisait quand on ouvrait la bouteille. Je crois que cette boisson a disparu des linéaires des supermarchés et des rayons des épiceries. "Pschitt" est également connu pour avoir servi de mode de défense dans la bouche du Président Chirac, bassement attaqué alors qu'il était à l'Elysée pour des dépenses de vacances dans un département d'Outre-Mer. Profitant de l'interview du 14 juillet, il avait fait publiquement la soustraction de ce qu'il avait lui-même acquitté sur ses fonds personnels et, mimant le dégonflage d'un ballon de baudruche, il avait prononcé cette phrase définitive en réaction aux allégations de ses détracteurs : "quand on analyse la situation, ça fait pschitt."

Je trouve l'onomatopée adaptée à ce qui sort finalement dans le projet de loi de finances pour 2016 en matière de rationalisation des aides au logement. Rappelez-vous. L'émotion des professionnels du logement et des ménages était à son comble lorsque un rapport d'experts de plusieurs corps prestigieux de l'Etat avait été d'abord éventé dans la presse, puis rendu au ministre du budget et commenté par lui: il fallait procéder à des coupes sombres dans le gras budget des aides personnelles au logement. La Cour des comptes elle-même avait enfourché le cheval de l'austérité et on sentait bien que l'amputation était inévitable. On se demandait juste qui ferait les frais de cette rationalisation. On a alors parlé de moralisation, ce qui laissait augurer que les moins pauvres ou les plus aisés allaient passer à la trappe au profit des plus fragiles. Les étudiants étaient évidemment au cœur de la polémique.

Au bout du compte, de quoi la montagne a-t-elle accouché? D'une souris: les étudiants rattachés au foyer fiscal et dont les parents sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) seront privés des aides personnelles au logement. Qui s'en indignerait? Par ailleurs, les APL seront dégressives pour les allocataires ayant 30.000 euros de patrimoine ou plus, ce qui conduira à une baisse de l'ordre de 22 euros par mois pour ces personnes. Ce que le gouvernement présentait comme une mesure d'équité et de justice sociale n'est guère qu' "un coup de rabot", pour reprendre les propres termes du député de la majorité Daniel Goldberg.

Bref, la réforme des APL a fait pschitt. Pour ceux qui voudraient une référence plus élevée, on pourrait aussi citer Shakespeare: "Beaucoup,de bruit pour rien." Le problème de gestion de la communication s'ajoute ici au renoncement à réformer. Incontestablement, le moment d'altérer la solvabilité des ménages était mal choisi, et après les débats sur le sujet à l'Assemblée au début du mois de novembre la France s'est découvert d'autres soucis que de rationaliser les aides au logement. Soit. Les petits tours de vis vont tout de même faire économiser 225 millions d'euros par an à l'Etat, l'épaisseur du trait face à la vingtaine de milliards des aides personnelles.

Mais pourquoi donc cette communication précipitée, excessivement précoce, effrayante? Pourquoi ne pas attendre d'y voir clair sur la faisabilité politique avant d'inquiéter le pays? Le moral des familles et des individus n'est pas tel qu'on puisse s'offrir le luxe de messages rustiques sur un dossier aussi sensible. Lorsqu'il s'agit de modifier les grands équilibres du budget du logement, on est plus près de la recomposition d'un champagne prestigieux que de la dégazéification d'une boisson populaire.

Henry Buzy-Cazaux