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Chantiers à l'arrêt: vers un apaisement entre l'Etat et les professionnels du bâtiment?

Faut-il arrêter les chantiers ? Le bâtiment l'exige, le gouvernement refuse

Faut-il arrêter les chantiers ? Le bâtiment l'exige, le gouvernement refuse - Annawaldl - Pixabay

Les professionnels de la construction veulent arrêter leurs chantiers. Le gouvernement, lui, insiste sur le maintien d’une activité économique essentielle. Mais les deux parties pourraient avoir trouvé un accord.

Face à la crise du coronavirus, le conflit s'aggrave depuis plusieurs jours entre le secteur du bâtiment et le gouvernement: les professionnels veulent arrêter leurs chantiers, mais les autorités insistent pour maintenir une activité économique jugée essentielle. "Quand un syndicat patronal dit aux entreprises: Arrêtez d'aller bosser, arrêtez de faire vos chantiers, ça c'est du défaitisme", a martelé sur la chaîne LCI, la ministre du Travail Muriel Pénicaud. "On a besoin de tout le monde sur le pont".

La ministre accuse la Capeb, l'organisation qui représente l'artisanat du bâtiment, d'avoir enjoint à ses membres d'arrêter tous leurs chantiers. Elle s'en dit "scandalisée". Ces propos attisent un conflit de plus en plus ouvert entre le secteur et le gouvernement, depuis que l'Etat a décrété lundi soir un confinement radical des Français chez eux pour lutter contre la propagation du coronavirus. "C'est là que la confusion a commencé entre le gouvernement et la profession", raconte une source du bâtiment au fait des discussions avec l'Etat.

Des propos jugés "scandaleux"

Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) a immédiatement réagi dans une lettre: "Les propos que vous avez tenus ce matin, sur LCI, au sujet du supposé manque de "civisme" des entreprises de bâtiment sont scandaleux. Je vous l’écris avec gravité. Aucune de nos entreprises, aucun de nos artisans, ne se sont mis dans une position de tire-au-flanc face à la situation actuelle! C’est la mort dans l’âme que nombre d’entre eux ont dû cesser leur activité et mettre leurs salariés à l’arrêt: ils n’ignorent pas les conséquences désastreuses de cette décision pour leur structure mais ils font ce sacrifice en conscience et responsabilité. Envisager que certains d’entre eux aient pu le faire pour profiter des éventuelles largesses de l’Etat en matière de chômage partiel est insultant".

Les principales fédérations - la Capeb, la puissante FFB et la FNTP, centrée sur les travaux publics - comptaient pourtant sur la réunion de mardi avec les principaux ministres concernés pour trouver un accord sur ce principe. Mais "la réunion ne s'est pas super bien passée", admet la source au sein du bâtiment. "Un des ministres a dit: vous les patrons de bâtiment, vous voulez mettre tout le monde à l'arrêt pour profiter du chômage partiel". L'Etat a en effet décidé de prendre à sa charge l'indemnisation des employés contraints au chômage partiel par l'arrêt de leur activité dans les multiples secteurs frappés par le confinement.

Un secteur essentiel

Le gouvernement n'y inclut pas le bâtiment avec lequel la différence d'approche est pour l'heure irréconciliable. L'exécutif considère que les chantiers font partie des activités économiques qui peuvent se poursuivre, puisqu'elles ont lieu à l'extérieur et non dans un espace confiné. "Il est bien évidemment admis que les personnes qui exercent une activité qui les oblige à (...) travailler en extérieur - chantiers de bâtiments et travaux public notamment - doivent la poursuivre", insistait le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, dans un courrier adressé mercredi aux préfets et que l'AFP a consulté. "Je rappelle qu'en Italie, les mesures de restrictions similaires qui démontrent leur efficacité sur l'endiguement de la pandémie ont néanmoins permis à l'économie de fonctionner presque à la hauteur de ses capacités habituelles", insistait-il.

Sur BFM Business ce vendredi, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie, déclarait à ce propos: "L'arrêt pour l'arrêt, on ne comprend pas. Nous avons besoin de ces travaux (...). S'il y a des risques, on arrêtera. Mais il est, aujourd'hui, possible de continuer". Et elle a donné aussi l'exemple des artisans dont elle rappelle l'importance. "Les Français sont confinés chez eux. S'ils ont une chaudière qui casse ou une fuite, on a besoin de gens pour intervenir".

Vers un accord?

Le ton se calmait néanmoins ce vendredi 20 mars. "Les entrepreneurs du bâtiment, je les comprends. Ils ont des salariés, ils sont responsables comme tout entrepreneur, comme tout chef d'entreprise, de la protection de leurs salariés", a déclaré sur LCI, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire. Le ministre a promis que les entreprises du BTP à l'arrêt auraient droit au chômage partiel et évoqué la mise en oeuvre d'un "protocole" qui permettrait de cadrer les conditions d'une reprise des chantiers.

"C'est pas évident de protéger des salariés sur un chantier", a finalement reconnu Bruno Le Maire. "On sera obligé de fermer" les chantiers qui "seraient trop dangereux du point de vue sanitaire". Les propos du ministre ouvrent la voie à un accord qu'il souhaite voir conclu d'ici un ou deux jours afin d'encadrer le redémarrage des chantiers. "Les choses se sont un petit peu calmées: (le gouvernement) a changé d'optique", a confirmé Bruno Cavagné, président de la FNTP, fédération centrée sur les travaux publics, lors d'un point à la presse.

Il a également annoncé qu'un protocole d'accord était en cours d'élaboration avec le gouvernement, fixant comme objectif d'y parvenir avant mardi soir. Cet accord doit fixer trois grands points: les conditions de sécurité sanitaire, la prise en compte par l'Etat du chômage partiel et la sécurisation des contrats pour éviter que les entreprises et leurs clients se renvoient la décision d'arrêter un chantier.

Avec AFP

Diane Lacaze