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Construction

Tribune - "L'Etat a-t-il les moyens de l'idéologie ?"

Raymond Le Roy Liberge, Président du Groupe Immobilier les Provinces

Raymond Le Roy Liberge, Président du Groupe Immobilier les Provinces - Galivel

Une Tribune de Raymond Le Roy Liberge, président du groupe immobilier Les Provinces.

Le propos ne saurait être de montrer du doigt des choix marqués de l'actuel gouvernement, enclin à développer le parc locatif public -les HLM pour simplifier-, alors que la construction de logements privés fait l'objet de moins en moins de soutien. Au fond, si cette pente était nouvelle et si on pouvait l'attribuer à un bord politique, le mal serait moindre. Seulement voilà, la conception est ancienne et c'est l'Etat, quelle que soit sa coloration, qu'elle a fini par marquer. Tout se passe comme si la politique du logement, depuis des décennies, était essentiellement une politique publique du logement.

Il n'est que de regarder les débats qui ont eu lieu il y a quelques semaines entre Madame Duflot et Monsieur Apparu, ou encore au moment des municipales, entre Madame Hidalgo et sa compétitrice Madame Kosciusko-Morizet. Sur quoi ont porté les comparaisons entre les performances? Sur les chiffres de production des logements sociaux essentiellement. C'est un travers de l'Etat que de penser que les solutions publiques valent plus que les autres, privées ou résultant d'un partenariat entre le public et le privé. A cet égard, les gouvernements d'inspiration libérale n'ont pas moins péché que ceux d'inspiration collectiviste.

Il n'est que temps de lire cette conception à la lumière des moyens dont l'Etat dispose désormais. Jusqu'à quand pourra-t-on sérieusement considérer que le logement subventionné doit être favorisé par rapport au logement libre? L'aide à la pierre, c'est-à-dire la perfusion de fonds publics alimentant la commande publique, a dû être majorée de 450 à 500 millions pour qu'on s'approche de la production promise par le Chef de l'Etat. Quant aux aides personnelles versées aux locataires de logements HLM, elles constituent l'essentiel des 40 milliards inscrits au budget du logement, et leur augmentation est tendancielle. Il faut ajouter à cela l'effort attaché à la TVA réduite sur la construction sociale, qui entraîne un manque à gagner pour l'Etat proche de 3 milliards d'euros par an...

Pour faire bonne mesure, les prêts bonifiés de la Caisse des Dépôts ou encore l'argent des entreprises collecté par Action Logement -et donnant lieu également à des prêts- peuvent difficilement être considérés comme des ressources de marché : La Caisse recycle des ressources d'épargne publique et le Livret A coûte également beaucoup à la collectivité en rémunération, pour attirer les économies des ménages ; quant au 0,45% prélevé auprès des entreprises privées, l'Etat finit par le considérer comme sien pour favoriser le logement public, le détournant sans scrupule de sa destination d'origine.

Deux directions : Investissement locatif et accession à la propriété

Enfin, les organismes HLM bénéficient d'exonérations de toutes sortes, de la taxe foncière - pendant 25 ans, voire 30 si les constructions répondent à des normes énergétiques exigeantes à la taxe locale d'aménagement -pendant 15 ans-. En outre, aux termes de la loi Duflot de mobilisation foncière, l'Etat et les collectivités sont encouragés à céder leur foncier à prix bradé aux constructeurs sociaux... A la clé, les Français en quelque sorte copropriétaires de ces biens, la Nation en somme, vont consentir des sacrifices patrimoniaux inacceptables. Face à ce choix coûteux, la confiance faite au logement privé est la seule voie moderne possible.

Deux directions doivent être empruntées, celle de l'investissement locatif privé et celle de l'accession à la propriété. En clair, la logique veut, quand les finances publiques sont exsangues, que les moyens des ménages soient sollicités. Le bénéfice est d'ailleurs double: la collectivité, qui se doit de respecter le principe constitutionnel de permettre le logement de tous, accomplit son idéal à bon compte, et les individus et les familles gagnent en autonomie et en solidité en se constituant un patrimoine. Les investisseurs sont d’ailleurs généralement des ménages disposant de revenus moyens cherchant par ce biais à assurer leur avenir patrimonial.

Comment l'Etat peut-il accompagner ce mouvement? D'abord en levant les freins à la construction et en supprimant les facteurs d'enchérissement des coûts de production, et ce de toute urgence. Quand passera-t-on des incantations à l'action pour alléger les normes pesant sur les promoteurs?

Quand l'intercommunalité remédiera-t-elle au malthusianisme des maires ?

Un quart seulement se justifie. Quand l'intercommunalité remédiera-t-elle au malthusianisme des maires en matière de délivrance des permis de construire? Quand mettra-t-on tout en oeuvre pour que la politique immobilière de l'Etat et des collectivités conduise à la mise sur le marché de terrains en nombre, qui contribuerait à l'assagissement des prix du foncier? Quand les recours malveillants, contre lesquels le législateur vient de renforcer les sanctions, seront-ils véritablement traqués? Ils empêchent 20 000 logements de sortir de terre chaque année.

L'Etat doit aussi, pour enrayer la chute des mises en chantier - qui hypothèque les projets de logement des ménages pour plusieurs années- soulager la charge financière des acquéreurs. Un prêt à taux zéro plus puissant est aujourd'hui nécessaire. Quant à l'investissement locatif, le dispositif Duflot a le mérite d'exister et d'avoir été maintenu dans un contexte budgétaire difficile. Il faut néanmoins le simplifier pour qu'il gagne en impact et prenne du souffle. Il importe aussi que son marketing soit clair : après plusieurs modifications, on peut douter que les investisseurs y voient clair dans les règles du jeu. Il est également important que les nouveaux contours de la GUL soient connus, pour rassurer les bailleurs potentiels, et pour que l'offre privée d'assurance s'ajuste et propose des alternatives adaptées.

En somme, que le gouvernement et le parlement, qui va voter bientôt la loi de finances initiale pour 2015, comprennent que la sollicitation du budget de l'Etat pour construire des logements publics n'est plus un réflexe adapté et que l'initiative privée de construction constitue la solution pour répondre aux besoins du pays. D’autant plus que le secteur privé reste fiscalement positif pour l’Etat, grâce à la TVA et aux différentes taxes et impôts qui l’entoure, sans oublier la création d’emplois qu’il génère, qui est un point positif en cette période de hausse continue du chômage. Si les contraintes budgétaires, couplées au constat que l'Etat a échoué dans sa mission de loger les Français, pouvaient nous faire sortir de l'idéologie de la préférence au public, elles auraient au moins eu une vertu.

Léo Monégier