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Interview de François Drouin, président du directoire du Crédit foncier de France

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La Vie Immobilière : Comment expliquez-vous la flambée du marché ? François Drouin : L'immobilier subit un choc sociologique dont la portée a jusqu'à présent été sous-estimée.

Il s'agit d'un troisième choc, après celui de la reconstruction de l'après-guerre et celui de l'urbanisation intensive des Trente Glorieuses. La tension actuelle sur le marché est durable car elle est structurelle. Elle s'explique par des tendances lourdes - vieillissement de la population, divorces, recompositions familiales, changements de mode de vie - qui démultiplient la demande au-delà de la seule évolution démographique. Dans l'étude que venons de publier*, le besoin de nouveaux logements est estimé à 500 000 par an jusqu'en 2020, ce qui est loin des 300 000 souvent avancés jusqu'à présent. Ce chiffre est supérieur aux mises en chantier record de 2005-2006 (de 420 000 à 440 000), ce qui laisse penser que la conjoncture actuelle du bâtiment ne constitue pas un simple rattrapage mais une situation durable pour plusieurs années. La Vie Immobilière : Quels sont les facteurs sociologiques qui pèsent le plus sur la tendance ? François Drouin : Le vieillissement de la population a une forte incidence. Les plus de 60 ans, qui représentaient 17 % de la population en 1970, passeront à 30 % en 2030. Certains effets sont connus comme le ralentissement de la rotation du parc. Mais ce ralentissement global n'empêche pas une mobilité accrue à l'entrée en retraite. Un mouvement vers le soleil ainsi que des retours au pays augmentent la tension sur les prix dans certaines régions, notamment dans le sud. Autre phénomène, l'impact du « vivre seul ». Divorces, familles monoparentales, couples sans domicile commun, ces nouveaux comportements dopent aussi la demande. Il faut ajouter la revendication du toujours plus d'espace : croissance démographique et élévation du niveau de vie moyen induisent naturellement une hausse du prix du mètre carré. Enfin, les flux migratoires ne sauraient être négligés. D'autant qu'aux travailleurs du Sud s'ajoutent les touristes du Nord qui investissent dans des résidences secondaires (15 000 achats chaque année par des étrangers). La Vie Immobilière : Pensez-vous que cette évolution peut être contrariée par une remontée des taux d'intérêt ? François Drouin : L'emballement du marché a été favorisé par des conditions de financement très favorables. Un resserrement des conditions de crédit pourrait provoquer un mouvement de repli. Mais à terme, la sociologie est plus forte que les taux d'intérêt. Elle agit dans la durée et ses effets survivront aux retournements conjoncturels. Il ne faut pas considérer l'immobilier avec une seule approche financière. Le logement correspond à un besoin vital : la force de la demande est telle que l'acheteur signe, même s'il doit se résoudre à un logement plus petit ou situé plus loin du centre-ville. La Vie Immobilière : Quelles sont vos anticipations à court terme sur les taux d'intérêt et les prix ? François Drouin : Les taux d'intérêt restent peu élevés, notamment les taux longs. Le coût des ressources longues va rester bas car à l'échelle mondiale les liquidités sont très importantes. En tant qu'émetteur d'obligations foncières, le Crédit foncier n'a aucune difficulté à mobiliser des montants conséquents, qui viennent d'ailleurs alimenter l'immobilier français. Avec un nombre de transactions moins important depuis cet été, la hausse du prix du mètre carré devrait se ralentir. C'est ce qu'on appelle généralement l'atterrissage en douceur. Mais je ne prévois pas de recul dans les prochains mois. La Vie Immobilière : Le logement étant devenu un sujet majeur de société, quelles mesures faudrait-il prendre ? François Drouin : Il faut déjà se servir des dispositions existantes. Le prêt à taux zéro n'est, par exemple, pas utilisé au maximum de ses possibilités. Il peut concerner des ménages dont les revenus nets imposables peuvent aller jusqu'à 45 000 euros avec deux enfants, avec des coups de pouce supplémentaires de certaines municipalités. Tout accédant à la propriété doit donc se poser cette question : « Ai-je droit au prêt à taux zéro ? ». Autre point clé, le coût du foncier. Une piste consisterait à différer le paiement, l'acheteur réglerait d'abord la construction et plus tard le terrain. Pourquoi ne pas envisager, comme dans certains pays étrangers, une prise en charge complète du foncier par la collectivité locale ? * « Logement : la demande sous le choc sociologique », par le Crédit foncier et l'université Dauphine.

Propos recueillis par Françoise Rey

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