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"Partageons notre futur"

Karim Goudiaby, CEO d'Appartager.com

Karim Goudiaby, CEO d'Appartager.com - dr

Karim Goudiaby, CEO d’Appartager.com, livre son point de vue sur l'économie collaborative, « l'une des pratiques les plus usuelles et anciennes de notre Histoire ».

A l’heure où la France compte 3,5 millions de chômeurs, il devient vital de se pencher sur toutes les solutions économiques alternatives que nous avons à disposition pour relever la tête. Il en est une, ancienne et pourtant sous-évaluée, qui suscite nombre d’incompréhensions et qui est par conséquent aujourd’hui étouffée, mais dont le potentiel est grand : l’économie du partage.

Jour après jour, les journaux et magazines à grand tirage publient des articles traitant de sharing economy, affirmant que des sociétés telles qu’Uber ou Airbnb apportent une vision nouvelle et innovante du marché, vision en mesure de transformer notre économie moderne. Je ne contredirai certainement pas cette dernière assertion. En effet, le succès considérable et la croissance fulgurante de ces entreprises montre clairement que notre monde dispose de suffisamment d’espace pour permettre le développement de l’économie du partage, ou tout du moins qu’il souhaite en créer. Cependant, bien que la plupart des articles en question peinent à reconnaître qu’il ne s’agit que d’une « tendance », rien n’est ici nouveau ou novateur. Bien au contraire, l’économie collaborative est probablement l’une des pratiques les plus usuelles et anciennes de notre Histoire.

Commençons par définir le terme même. La sharing economy, aussi appelée « économie peer-to-peer », « économie collaborative » ou « consommation collaborative », est un système reposant sur le partage de ressources humaines et matérielles. Depuis quelques années, cette forme de commerce s’est vue associée à l’idée que « Monsieur Tout-le-monde » pouvait revêtir le costume d’homme d’affaires. Ni le principe du partage de ressources, ni celui de gens ordinaires devenant leurs propres patrons ne sont réellement nouveaux. En effet, il n’y a qu’à l’époque de l’industrialisation et de la modernité occidentale que ces pratiques étaient inhabituelles. Il faut donc prendre un peu de recul et observer le monde et son contexte historique dans leur globalité. Avant la révolution industrielle, et encore aujourd’hui dans les pays en voie de développement, chaque individu était son propre employeur. Il avait un métier, un savoir-faire, qu’il s’agisse de produite un bien ou de fournir un service. Il le vendait à son voisin, ou l’échangeait parfois contre le bien ou le service de ce voisin.

Bien que l’économie collaborative soit donc une pratique séculaire, de nombreux économistes, dirigeants d’entreprise, salariés, et même consommateurs, ont longtemps hésité à se tourner vers ce modèle. Les journaux continuent de relater les démarches de villes modernes et cosmopolites, comme New York et Berlin, qui vantent leurs approches avant-gardistes tout en luttant pour abattre Airbnb et Uber. Airbnb a été récemment attaquée en justice par Eric Schneiderman, Procureur Général de New York, qui l’accusait d’avoir enfreint des lois locales sur l’hôtellerie, en risquant ainsi d’entraîner des répercussions négatives pour la ville. En mai 2014, 10 000 chauffeurs de taxis avaient défilé à Londres afin de protester contre Uber pour concurrence déloyale. Et encore le mois dernier, les taxis parisiens se sont également mobilisés contre la société américaine. Cela n’a pas de sens. C’est même un exemple flagrant de la volonté des gouvernements de maintenir sous contrôle même les plus petites initiatives de leurs administrés. De tous temps, dans nos sociétés modernes, nous avons assisté à des abus de pouvoir, suivis souvent de la chute des partis dirigeants à l’origine de ces abus. Nos contemporains sont parfaitement capables de prendre leurs propres décisions économiques, et les gouvernements doivent leur accorder confiance sur ce sujet.

Bien évidemment, la régulation est nécessaire afin de protéger les droits des travailleurs et des consommateurs. Il faut cependant adopter une position plus syncrétique afin de comprendre à quel point les bénéfices surpassent ici les coûts. Nous devons les examiner de manière globale, en tenant compte des implications à travers le temps, les communautés, les frontières, et les secteurs économiques. Certains agitent l’épouvantail d’une économie collaborative dévoyée, dont le développement actuel ne reposerait que sur le désir de contourner régulations et taxes. Si parfois cela se produit, il ne s’agit que d’une conséquence collatérale involontaire, et bien souvent pour le plus grand désarroi des professionnels impliqués. La capacité de la sharing economy à bouleverser les monopoles et à redonner du pouvoir aux citoyens est bien plus forte et concrète en réalité.

Bien que cette idée pourrait sembler contre-intuitive, l’économie du partage bouscule le monde contemporain du commerce de façon réellement positive et absolument nécessaire, comme le prouve le succès des entreprises du secteur. Ici même, en France, nous sommes témoins de la réussite de jeunes entreprises innovantes telles que BlaBlaCar, BedyCasa, OuiCar ou encore My Major Company. Et il en existe beaucoup d’autres, capables de créer des niches rentables et durables. En outre, cette forme d’entrepreneuriat construit autour de la collaboration et du partage a aujourd’hui le pouvoir de donner à tous la possibilité de participer activement à l’économie nationale, et ce d’une manière que les approches traditionnelles et verticales ne parviennent pas à imiter. En offrant à ces personnes les moyens d’investir le monde des affaires à un niveau auquel ils pourront observer concrètement leur retour sur investissement, ce modèle a le potentiel de transformer, et même de stimuler, l’économie dans sa globalité. Car celle-ci en devient simple et accessible, aussi bien pour le producteur que pour le consommateur. Monsieur Tout-le-monde peut ainsi aisément devenir son propre patron. Il se sentira alors conforté dans sa position, encouragé à produire davantage et, comme le montrent les principes théoriques les plus courants, à consommer plus.

Même si la sharing economy n’est pas une pratique particulièrement nouvelle, son influence sur notre façon d’appréhender l’Économie et ses possibles est enfin perceptible. Les acteurs de ce marché permettent à tout un chacun d’en saisir les notions basiques, en leur ouvrant les portes d’un environnement économique dont ils sont familiers et auquel ils font confiance. En associant le partage de biens et de services à l’univers technologique, les méthodes de commercialisation les plus classiques deviennent soudainement à la mode, nouvelles et réellement innovantes. Il a été dit et répété, bien souvent et depuis longtemps, que le futur de notre économie repose sur les nouvelles technologies. Mais en réalité, il est lié bien plus encore au moment où celles-ci intègrent notre quotidien de manière tangible. La technologie nous a permis d’accéder à une forme oubliée de commerce, qui a la capacité de redonner du pouvoir au producteur et au consommateur. C’est là que se trouve notre futur.

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