Troubles anormaux du voisinage : Vue et odeurs
Dans la même logique que tout dommage causé est source de réparation en droit, tout trouble constitue un dommage. Peu importe son « champ » de nuisance, il doit être arrêté. Il n’y a pas pour autant de notion de trouble objectif : le juge considère chaque affaire au cas par cas. La vue et l’odorat peuvent être affectés par l’activité du voisin, de façon occasionnelle ou répétée.
La vue, ou plutôt la privation de vue
Ou quand la construction faite par son voisin cause une perte d’ensoleillement notable. La jurisprudence est abondante sur les constructions qui, de par leur hauteur, gênent la propriété avoisinante. Le trouble consiste en la seule implantation du bâtiment par son voisin, qui, de facto, cause une baisse de luminosité. Un arrêt important en la matière est celui rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, le 30 septembre 1998. Il parle avec gravité de « dégradation des conditions de vie ». Dans ce cas, la construction causait une réduction de l’ensoleillement affectant les 7 pièces d’une même propriété. Un arrêt plus ancien rendu le 26 janvier 1993 avance même une relation de causalité entre la privation de vue et une éventuelle « dépréciation du fonds » voisin. Dans ces situations, le trouble est plus facile à déterminer, car il empêche littéralement les habitants de jouir paisiblement de leur bien.
Le cas plus délicat de la gêne esthétique
Certains cas sont plus difficilement qualifiables, comme la gêne esthétique. Si les actions en justice sont accueillies pour les dépôts de ferrailles et matériels usagés en limite de fonds ( arrêt de la 2ème chambre civile du 24 février 2005), il est plus difficile d’arguer un droit de vue sur la mer. En 2004, les propriétaires d’un lot, au sein d’un lotissement n’ont pas pu faire valoir ce droit, alors que la construction de villas à proximité allait les priver d’une vue sur la mer. Il s’agit alors de faire attention aux constructions futures. Le lotissement a la plupart du temps vocation à s’agrandir, l’acheteur doit bien se renseigner avant de procéder à l'acquisition du bien (sauf à faire jouer la responsabilité du professionnel qui lui a vendu le bien, qui a une obligation d’information).
Les odeurs
Les émissions de poussières et fumées constituent un trouble anormal, selon un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 22 octobre 1964. Les émanations d’usines, des rejets de gaz (arrêt de la Cour d’appel du 24 janvier 1973). Plus étonnant : il a également été considéré que le goût pouvait subir ce type de désagréments, une agueusie pouvant être causée par des émanations de poussière de ricin. La vie de la campagne offre son lot de nuisances. Ainsi un abri de poneys peut causer un double trouble : des hennissements désagréables, comme des émanations pénibles. Le cas d’école est la porcherie installée a proximité d’une habitation. Un des premiers jugements en la matière est celui de la chambre des requêtes, qui date du 5 décembre 1904, pour une jurisprudence constante depuis, avec un arrêt de 1997. L’entrepôt de fumier en bordure de propriété peut également nuire au fonds attenant. Attention néanmoins aux immunités spéciales, comme celle de l’article 112-16 du code de la construction et de l’habitation, réservé aux activités agricoles, industrielles ou artisanales. Elles restreignent l'action, car l'activité ne peut exister sans un minimum de troubles.
Notre conseil : Il ne s'agit pas de faire un procès à son voisin pour les odeurs dégagées par son barbecue. Les troubles dus aux odeurs doivent être répétés et le degré de leur persistance compte plus que pour les autres troubles. Le régime est identique pour tous les troubles : pour les copropriétaires, le syndic peut faire office de tiers. Si votre voisin fait la sourde oreille, une mise en garde par lettre recommandée avec accusé de réception peut avoir son utilité. En dernier recours, vous pouvez saisir le juge judiciaire, pour les troubles entre particuliers. Si un ouvrage public est en cours, le juge administratif sera compétent.