BFM Immo
Fiscalité immobilier

La paix fiscale pour l'immobilier

Thibault de Saint-Vincent, président de Barnes

Thibault de Saint-Vincent, président de Barnes - dr

Une tribune de Thibault de Saint-Vincent, président du spécialiste de l'immobilier haut de gamme Barnes. Pour le dirigeant, « l'arme fiscale est ces temps-ci maniée avec un manque de discernement particulier. »

L'intérêt fiscal des dirigeants politiques de notre pays pour l'immobilier n'est pas nouveau. Il s'explique simplement : l'immeuble est par définition et par destination immobile. De ce fait, il a toutes les caractéristiques de la cible fiscale idéale, repérable et non délocalisable. Il s'ajoute à cela que c'est un actif vertueux, porteur d'espoir de plus-value et de rendement s'il est exploité.

Enfin, avec près de 3 300 milliards d'euros de valeur consolidée, l'immobilier constitue 80 % du patrimoine des ménages français : l'assiette est large et a toujours régalé l'appétit de l'Etat, quels que soient ceux qui le dirigent.

Cet historique pourrait conduire à la résignation, si l'arme fiscale n'était ces temps-ci maniée avec un manque de discernement particulier. Les dernières semaines ont apporté un lot inédit de mauvaises nouvelles. Sur fond de dépression économique et d'abattement des familles, sur fond de baisse de l'ordre de 30 % de l'activité des ventes de logements neufs et anciens, il y a fort à parier que les récentes décisions vont porter un grave préjudice au fonctionnement du marché.

Un blocage provisoire — le sera-t-il ? — des loyers et l'annonce d'un dispositif de contrôle tatillon dès l'an prochain, une augmentation du taux de l'impôt de solidarité sur la fortune, mais aussi la promesse non tenue d'alléger vraiment la taxation des plus-values de cession des résidences locatives et secondaires, ou encore une dotation budgétaire en forte baisse pour aider l'investissement et l'accession, la coupe est pleine. Du moins pouvait-on le penser, avant que des parlementaires de la majorité ne réclament un impôt spécial pour les reventes d'un montant supérieur à un million d'euros.

La requête est malheureuse et pour tout dire insupportable. Tout cela révèle deux problèmes de fond. Le premier consiste à considérer la fiscalité comme un moyen facile d'obtenir des rentrées budgétaires, en n'imaginant pas un instant que les acteurs économiques en modifieront leurs comportements et n'agiront plus. Du coup, la base taxable, qu'on croyait acquise, se réduit et avec elle la perspective de lever l'impôt. Celui qui aurait vendu ne vend pas, celui qui aurait acheté et accru son patrimoine y renonce, celui qui aurait investi diffère à des temps moins contraignants.

Le second problème n'est pas moins ennuyeux, car idéologique : détenir de l'immobilier, c'est être riche entre les riches, et mériter une sanction fiscale. Cliver la société ainsi est hautement dangereux : faut-il rouvrir les guerres de religion entre bailleurs et locataires, alors que l'écart de situation économique entre les deux catégories s'est réduit au fil des décennies au point de devenir insignifiant ? Faut-il tellement stigmatiser la valorisation des biens par la majoration de l'ISF ou la menace d'une taxe d'exception, que les Français se détournent à terme de l'immobilier, comme accusés par principe d'enrichissement sans cause ?

Il est urgent que nos gouvernants recouvrent un autre sens de la fiscalité, et qu'ils cessent de l'utiliser telle une arme dissuasive. Elle est un outil de pilotage politique, un outil de redistribution, de justice... à la condition qu'elle ne soit pas maniée contre le marché et ceux qui l'animent, presque méchamment. Tout se passe comme si la France était en guerre fiscale. Ses victimes ? Les ménages, ordinaires, plus aisés ou fortunés, sans distinction : l'arme est aveugle, et elle blesse tout le monde. La preuve ? Les ventes de toutes catégories se ralentissent. Les messages négatifs affectent l'envie et la confiance de tous : la peste fiscale frappe partout.

Il faut désormais attendre que la France entre dans une période de paix fiscale, dans laquelle on ne montrera pas du doigt, on ne sanctionnera pas ceux qui ont fait le choix de créer de la valeur par l'immobilier.

BFM Immo