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Prix immobilier

"En cas d'aggravation de la crise, les prix pourraient chuter de 10% en 2008"

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Olivier Eluère est économiste au Crédit Agricole.

Spécialiste de l’immobilier, il revient pour Lavieimmo.com sur sa prévision d’une légère baisse des prix au cours des prochains mois et explique ce qui se passerait dans le cas d’une aggravation de la crise financière actuelle.

Lavieimmo.com : Cela fait déjà six mois que vous prévoyez une baisse de l’ordre de 5% des prix immobiliers en 2008. Les évènements récents ne vous ont-ils pas amené à réviser vos projections ?

Olivier Eluère : Nous faisons le point tous les trois mois sur l’état et les perspectives d’évolution du marché immobilier, et rien de ce que nous observons depuis octobre ne justifie que nous durcissions ou allégions nos prévisions. L’atterrissage des prix s’est poursuivi en douceur, la demande de logements se fait moins pressante mais reste vive… et si les banques sont plus vigilantes, il semble qu’il n’y aura pas de resserrement drastique de l’accès au crédit habitat au cours des prochains mois. Tout cela conforte notre scénario d’une baisse limitée des prix.

Lavieimmo.com : Vous anticipez une baisse de 5% sur un an dans l’ancien et une stabilisation dans le neuf. Pourquoi une telle différence ?

Olivier Eluère : On considère généralement que les prix sont plus résistants dans le neuf que dans l’ancien. Cela tient notamment au fait que les constructeurs et les promoteurs, soucieux de défendre leurs marges, ont tendance à répercuter le coût des matières premières ou la cherté du foncier dans leur prix de vente, alors que le propriétaire d’un logement ancien n’a généralement pas de coût à amortir. Quoi qu’il en soit, les différences resteront minimes… et des baisses de prix ne sont pas à exclure sur certains programmes neufs.

Lavieimmo.com : Vous ne donnez aucune indication sur ce qui pourrait se passer en 2009. Est-il trop tôt pour faire des prévisions ?

Olivier Eluère : Nous n’anticipons pas de changement brusque : en 2009, les prix devraient se stabiliser ou confirmer leur mouvement de légère baisse, et finalement s’équilibrer à un niveau élevé.

La situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement est comparable à celle qu’on pouvait observer en France au début des années 1990. Je ne parle pas du marché parisien - qui après plusieurs années d’une hausse excessive avait fini par connaître une correction sévère - mais du reste de la France, où les prix avaient stagné pendant quatre ou cinq ans. Bien évidemment, des différences de taille existent, en termes de prix, de niveau de taux d’intérêts, de durée d’emprunt… mais si on lisse tout cela, les deux situations sont assez similaires. A moins d’un accident, comme une envolée des taux d’intérêts ou un accroissement significatif du chômage susceptible de peser sur la demande, ou bien d’une sensible aggravation de la crise financière actuelle, je ne vois aucune raison majeure pour que le marché immobilier se comporte différemment maintenant de ce qui avait été observé dans les années 1990 (hors Ile de France).

Lavieimmo.com : Ne peut-on pas craindre une hausse des taux des crédits immobiliers ?

Olivier Eluère : Le taux OAT 10 ans est un peu remonté récemment et le niveau élevé de l’inflation laisse penser que la Banque centrale européenne (BCE) n’abaissera finalement pas ses taux d’intérêts au printemps… Une baisse des taux des crédits immobiliers semble en effet moins probable aujourd’hui qu’il y a quelques semaines. Une légère hausse paraît même crédible. Rien d’alarmant cependant…

Lavieimmo.com : Vous partez du principe que la crise se résorbera à relativement court terme. N’est-ce pas précisément sur ce point qu’il y a un risque d’« accident » ?

Olivier Eluère : Notre scénario central, celui d’une baisse de 5% sur un an à fin 2008 dans l’ancien et d’une stabilisation dans le neuf, prend pour postulat de départ que la crise financière ne s’aggravera pas mais finira par se résorber d’ici la fin de l’année. Si cette hypothèse nous semble la plus probable, on ne peut pas exclure des scénarios plus négatifs. Nous avons donc élaboré un « stress scenario », qui suppose à l’inverse que la crise se propage et se solde par un véritable « credit crunch », c'est-à-dire un resserrement généralisé du crédit, sur toute la gamme des prêts, aux Etats-Unis comme dans certains pays européens (Royaume-Uni, Espagne). Selon ce scénario, les prix baisseraient en moyenne de 10% en France en 2008.

Lavieimmo.com : Ce qui semble finalement assez peu si on considère l’ampleur de la hausse des dernières années.

Olivier Eluère : Attention, il s’agit d’une baisse de 10% en moyenne. Cette baisse n’est que de 2% dans le scénario central. C’est très rare un recul d’une telle ampleur. En règle générale, un krach immobilier se solde par un ajustement des prix de 30% en moyenne sur une durée 4 à 5 ans… -10% en un an, ce serait le signe d’une crise très grave.

A priori la probabilité que ce scénario se réalise est faible, de l’ordre de 20% environ contre 80% pour le scénario central d’un atterrissage en douceur. On peut également imaginer plusieurs scénarios intermédiaires…

Propos recueillis par Emmanuel Salbayre

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