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L'encadrement des loyers, mode d'emploi et interrogations

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Zoom sur l'une des mesures phares du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), actuellement en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), dont l’examen en première lecture débute aujourd’hui à l’Assemblée nationale, prévoit la mise en place d’un nouveau dispositif destiné à empêcher les revalorisations trop fortes des loyers à la relocation.

Plus fin, mais aussi beaucoup plus complexe que celui mis en place de manière transitoire en août 2012, ce nouveau mécanisme s’appliquera dans vingt-huit agglomérations, dans les villes de plus de 50 000 habitants où « existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement », précise le projet de loi. Il s’appuiera sur trois indicateurs :

  • un loyer médian de référence, calculé tel qu'il divise l’ensemble des loyers en deux groupes égaux : 50 % des loyers lui sont inférieurs, les 50 % restants lui sont supérieurs ;
  • un loyer médian de référence majoré, qui ne pourra dépasser de plus de 20 % le loyer médian de référence ;
  • un loyer de référence minoré

Chacun de ces trois indicateurs sera calculé, « par type de logement et par secteur géographique », à partir des données collectées localement par des observatoires de loyer actuellement en construction.

« Sur les territoires [concernés], le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties lors de la conclusion du contrat de bail, dans la limite du loyer médian de référence majoré, indique le texte.

La réévaluation se fera au moment du renouvellement du bail

L’encadrement jouera au moment de la signature d’un nouveau bail ou du renouvellement d’un bail existant : tout loyer supérieur au loyer de référence majoré pourra donner lieu à une baisse de loyer, à la demande du locataire. A l’inverse, le texte prévoit également la possibilité d’« une action en réévaluation dès lors que [le loyer] est inférieur au loyer de référence minoré ». Dans ce cas, la hausse devra s’appliquer de manière progressive, « par tiers ou par sixième selon la durée du contrat »

A noter que le texte prévoit la possibilité d’une majoration du montant du loyer suite à la réalisation de travaux d’amélioration du logement exécutés par le bailleur, et accorde « un complément de loyer exceptionnel » applicable pour les logements présentant des « caractéristiques le justifiant ».

Une série d'inconnues

Plusieurs inconnues restent en suspens, que les détracteurs du texte, de tous bords, n’ont pas hésité à pointer du doigt. La première concerne les observatoires de loyer, dont on ne sait pas encore exactement quand ils seront opérationnels. Sans se montrer très précis sur le calendrier, le ministère du Logement assure que les observatoires pilotes qui ont été lancés dans dix-neuf villes seront opérationnels « début 2014 », les onze suivants devant vraisemblablement voir le jour « à l’automne ». Le tout sera opérationnel « au moment de la promulgation de la loi ».

Lors de la présentation de l’observatoire des loyers Clameur, mardi matin, l’économiste Michel Mouillart a posé la question de « la finesse du maillage territorial ». Le texte de loi évoque bien un encadrement « par type de logement et par secteur géographique », mais les loyers médians varient significativement selon que l’on raisonne à l’échelle du quartier, de la ville, de l’arrondissement ou même de la rue. La question de la taille des échantillons retenus se pose également à la lumière du ralentissement de l’activité sur le marché locatif.

L'encadrement serait favorable aux plus aisés

Mais l’économiste a également pointé un effet pervers du texte de loi, qui pourrait contre toute attente favoriser les ménages les plus riches et peser sur les plus fragiles. Ses simulations montrent en effet que 23 % des loyers parisiens sont actuellement supérieurs à la médiane de référence majorée de 28 €/m² (la médiane de référence étant à 23,3 €) et devront donc être revus à la baisse. L’ajustement serait de 4,5 % en moyenne mais croîtrait avec le montant du loyer : les 5 % des loyers les plus élevés du marché seraient ainsi mécaniquement réduits à hauteur de 32 %. « Or ceux qui habitent ces logements ne sont pas les plus pauvres, explique l’économiste. A l’inverse, 9 % des loyers parisiens étant inférieurs à la médiane de référence minoré pourront être réévalués. « Ceux-là même qui sont occupés par les ménages les moins favorisés ». Même chose à Marseille, où les 5 % des loyers les plus élevés seraient abaissés de 39 % tandis que 13 % des loyers seraient réévalués parce qu’inférieurs à la médiane minorée.

Globalement favorable au principe d’un encadrement des loyers, la CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) s’est dite « extrêmement réservée sur la notion même de « complément de loyer exceptionnel » », craignant que le manque de précision de la notion ne donne lieu à des dérives.

Autant de point qui ne manqueront pas d’être évoqués à l’Assemblée au cours des prochaines heures.

Emmanuel Salbayre