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Prix immobilier

Le gouvernement évoque l'existence d'une bulle immobilière

Le CAS ne peut exclure "l'hypothèse d'une surévaluation des biens immobiliers"

Le CAS ne peut exclure "l'hypothèse d'une surévaluation des biens immobiliers" - dr

Y a-t-il une bulle immobilière en France ? Si la question n’est pas neuve, la manière dont le Centre d’analyse stratégique (CAS) l’aborde - sans réellement trancher, d’ailleurs - réserve quelques surprises...

Le centre, qui est directement rattaché à François Fillon, a pour mission d’« éclairer le gouvernement dans la définition et la mise en œuvre de ses orientations stratégiques », notamment en matière économique et sociale. Sa dernière note d’analyse* s’intéresse à l’évolution des prix de l’immobilier, « apparemment déconnectée de celle des loyers ». Ainsi, sur les trente dernières années, les prix des logements anciens ont doublé en données réelles (hors inflation), tandis que les loyers n’ont progressé que de 30 % - en ligne, globalement, avec le revenu disponible moyen. D’emblée, le CAS estime que « la croissance relativement modérée des loyers infirme l’hypothèse d’une pénurie généralisée de logements » qui tirerait les prix de vente vers le haut. On retrouve ici une idée chère à l’économiste Jacques Friggit, qui calcule qu’« une augmentation de 1 % du nombre de logements [engendrerait] « toutes choses égales par ailleurs » une diminution de l’ordre de 1 à 2 % seulement du prix des logements ».

Facteurs de hausse ?

Parmi les facteurs le plus souvent avancés pour justifier l’envolée des prix, le centre écarte également « la croissance du nombre de ménages et de leur revenu moyen […] l’amélioration des conditions de financement des biens immobiliers (baisse des taux et allongement des durées d’emprunt), [et celle] de la qualité des logements (taille conception et équipement) », autant d’éléments qui, « même additionnés et combinés […] ne paraissent pas en mesure d’expliquer l’accélération de la hausse des prix observée [ni] leur déconnexion de l’évolution des loyers ».

Les propriétaires alimenteraient la bulle

Seuls semblent trouver grâce aux yeux du CAS « la rareté du foncier dans les zones les plus demandées », et « l’amélioration de la capacité d’emprunt des ménages, alliée à une fiscalité favorable, qui alimente la demande ». Mais il convient également de ne pas sous-estimer l’importance de facteurs moins rationnels. Ainsi, « si la première phase de hausse [des prix de l’immobilier] pouvait paraître cohérente avec la baisse des taux d’intérêt, il semble aujourd’hui probable que celle-ci ait biaisé les anticipations à la hausse, créant une bulle sur le marché immobilier français, poursuit la note. S’appuyant sur les écrits de l’économiste Alain Jacquot**, qui observe notamment que la hausse des prix a été la plus forte dans les pays où le taux de propriétaires est le plus élevé, le CAS avance même qu’« il n’est pas impossible que cette surévaluation soit alimentée par les ménages déjà propriétaires, qui sont en quelque sorte « immunisés » contre l’augmentation tandis que les nouveaux entrants, eux, connaissent plus de difficultés ».

Endettement limité

Le document ne conclut pas directement à l’existence d’une bulle immobilière française. Il reconnaît cependant qu’« un contexte d’offre rigide, comme c’est le cas en France, favorise la persistance des bulles ». S’il devait y avoir éclatement, le CAS estime que c’est le secteur de la construction qui serait plus impacté par un retournement brutal du marché immobilier, même s’il écarte un scénario à l’espagnole ou l’irlandaise. Le secteur bancaire, lui, serait peu exposé, du fait du faible niveau d'endettement immobilier des Français et de l’absence de pratiques du type de l’extraction des plus-values latentes, courantes dans les pays anglo-saxons mais peu développées chez nous.

Remise en question du PTZ+ ?

Le centre recommande au gouvernement de réfléchir à « des réformes structurelles maîtrisées visant à dynamiser l’offre ou à réduire les freins à la mobilité résidentielle (distorsions fiscales liées au traitement différentiel des propriétaires et des locataires…), pour une allocation plus efficace du parc de logements ». Au passage, il tempère les bénéfices potentiels d’un renforcement généralisé de la demande, et se demande notamment si « dans les zones tendues, une subvention de la demande ne risque pas de conduire à une augmentation du prix, limitant dès lors les bénéfices réels pour les populations cibles de ces politiques et la croissance du niveau d’activité du secteur de la construction ». Ou comment, sans le nommer, remettre en question les bienfaits du PTZ+, la nouvelle formule de prêt à taux zéro mise en place en début d’année, avec pour objectif de soutenir la demande et favoriser la construction dans les zones tendues.

*« L’évolution des prix des logements en France sur 25 ans », datée du mois d’avril 2011

**Alain Jacquot, « La crise du logement résulte-t-elle d'une offre quantitativement insuffisante ? » , contribution au rapport n°82 du Conseil d'Analyse Economique (« Loger les classes moyennes : la demande, l'offre, et l'équilibre du marché du logement, Jacques Mistral et Valérie Plagnol), (2008)

Emmanuel Salbayre