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Prix immobilier

Pourquoi les prix de l'immobilier n'ont pas chuté depuis 2008

La célèbre "courbe de Friggit"

La célèbre "courbe de Friggit" - dr

L'économiste Jacques Friggit donne son sentiment sur le marché immobilier, dans une note publiée sur le site de l'Insee. Pour lui, « l'effet inflationniste de l'environnement financier », et notamment les taux très favorables, ne sont pas étrangers à l'envolée des prix au début des années 2000. Ni à leur résistance après la crise de 2008...

Depuis 2008, alors que les prix de l'immobilier ont chuté dans de nombreux pays, ils n’ont que peu diminué en France. Et pourtant, entre 2000 et 2007, les prix s'étaient envolés comme ailleurs dans l'Hexagone (+70%), sans commune mesure avec les revenus des ménages. Quelle explication à ces deux phénomènes ? Jacques Friggit, membre du Conseil général de l'environnement et du développement durable (et dont les propos, comme il le rappelle dans cette note, n'engagent que lui) explique son point de vue.

Le spécialiste de la macroéconomie élimine d'abord un certain nombre de facteurs, souvent avancés par les observateurs de l'immobilier. En premier lieu le père du célèbre « tunnel » dans lequel évoluent les prix et les revenus des ménages évince le manque de construction. En effet, « si 350.000 logements supplémentaires (soit 1% du parc, voisin de 35 millions de logements) avaient été construits, le prix des logements n’en serait plus faible que de 1 à 2%, ce qui est très peu par rapport aux 70% de hausse à expliquer », indique l'expert.

Exit la pénurie de logements, la demande trop importante ou le coût du foncier

La hausse de la demande, elle aussi souvent pointée, ne suffit pas non plus à expliquer à elle seule la résistance du marché : celle-ci « préexistait de longue date à l'envolée », juge l'économiste dans la note. La hausse des coûts du foncier et des prix des terrains à bâtir ? Ces derniers sont déterminés en fonction de la valeur des logements dans leur voisinage. Leur augmentation est donc « la conséquence, non la cause, de l’augmentation du prix des logements ». Enfin, les achats faits par des étrangers sont eux aussi balayés, là encore, dans la mesure où ils ne représentent qu’environ 1 % des transactions de logements de 2000 à 2010, rappelle M. Friggit. Tout comme la part des aides publiques, de 1,7 % du PIB en 2000 comme en 2007…

« Effet inflationniste massif de l'environnement financier »

Alors, qu'est-ce qui explique cette double « exception française », tant concernant la hausse des prix de 2000-2007 que leur récente résistance d'après-crise ? La réponse est à chercher du côté de « l’effet inflationniste massif de l'environnement financier ». D'abord du côté du crédit. Pour Jacques Friggit, dans le premier cas « la baisse des taux d’intérêt a permis une forte hausse des prix - même si elle n’a compensé leur envolée que partiellement, puisque pour acheter le même logement un accédant à la propriété devait s’endetter sur 33 ans en 2007 contre 15 ans en 1965 ou en 2007 ». L’allongement de la durée des prêts ayant, ajoute-t-il, apporté un complément de capacité d’emprunt. Mais la réponse doit aussi être cherchée du côté de’investissement locatif, secteur où « s’y sont ajoutées la diminution du rendement de son principal concurrent, le placement obligataire, sous l’effet de la baisse des taux d’intérêt, et la fuite des particuliers hors des actions suite au krach boursier de 2000 », ajoute l'économiste.

« Pas de surconstruction massive »

Et depuis 2010 ? Si le marché tient bon, c'est que les taux d’intérêt ont été abaissés à un niveau historiquement bas par la Banque centrale européenne, « d’où un nouvel effet inflationniste » dans l'Hexagone. Sans compter certains particularismes du pays qui auraient joué plus qu'ailleurs : les établissements de crédit français, qui ont peu recours au marché des capitaux, ont « été moins affectés lorsque ce dernier est devenu moins liquide », estime M. Friggit. Mais aussi car ils tiennent davantage compte de la solvabilité des emprunteurs que de la garantie hypothécaire, comme les Etats-Unis avant la crise des subprimes.

Enfin, contrairement à des pays comme l'Espagne ou l'Irlande, « il n’y a pas eu de surconstruction massive » : les promoteurs français ne construisant en France qu’un tiers des logements. Ce qui a limité les risques, conclut Jacques Friggit.

Léo Monégier