BFM Immo
Lorène Derhy

Airbnb et sous location: la cour de cassation confirme le remboursement des sous-loyers

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Les sous-loyers perçus par le locataire suite à la mise en location de son appartement pour des courtes durées sur une plateforme de type Airbnb sans autorisation de son bailleur reviennent au propriétaire. Explication.

Dans un arrêt inédit et publié du 12 septembre 2019 n°18-20727, la Cour de cassation a approuvé pour la première fois que les sous-loyers perçus par le locataire suite à la mise en location de son appartement pour des courtes durées sur une plateforme de type airbnb sans autorisation de son bailleur appartiennent par accession à ce dernier.

Autrement dit, la haute cour a ainsi confirmé que les sommes perçues par le preneur au titre de la sous-location illégale de son appartement doivent être intégralement remboursées au Bailleur.

Aux termes de cet article, je vous exposerai comment sous-louer licitement son appartement en meublé touristique (I), à quelle sanction s’expose le locataire contrevenant (II), et enfin je vous indiquerai les outils pour obtenir la condamnation de votre locataire agissant au mépris de vos droits (III).

I. Comment sous-louer licitement mon appartement sur une plateforme de type airbnb ?

Il y a sous-location lorsque le titulaire d’un contrat de location met partiellement ou entièrement à disposition d’une personne son logement en échange d’une contrepartie financière.

Le locataire ne peut sous-louer son logement constituant sa résidence principale sauf avec l’accord écrit du bailleur, qu’il s’agisse d’un bail d’habitation nu ou meuble par application de l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989.

Pour éviter de voir son bail résilié, le locataire doit vérifier dans son bail s’il est stipulé une clause qui prévoit expressément que la sous-location est interdite à peine de résiliation du bail. La présence d’une telle clause figure dans la plupart des baux.

Si tel est le cas, le locataire devra solliciter auprès de son bailleur son autorisation expresse et écrite tant sur le principe de la sous-location que sur le montant du loyer, étant précisé que le loyer de la sous-location ne doit en aucun cas être supérieur au loyer versé par le locataire principal. A défaut, le bailleur pourra engager une procédure d’expulsion à l’encontre de son locataire mais également solliciter le remboursement des sous-loyers perçus par ce dernier.

Par ailleurs, je vous rappelle qu’après avoir reçu l’autorisation du bailleur, le locataire qui souhaite mettre en location saisonnière sa résidence principale sur une plateforme de type airbnb dans les communes de plus de 200.000 habitants et dans certaines villes dites « zones tendues » de plus de 50.000 habitants, devra :

- procéder à une télé-déclaration de la location saisonnière auprès de la Mairie, faute de se voir exposé à une amende civile de 5.000 € ; et - se limiter à louer sa résidence principale dans la limite de 120 jours / an.

II. A quelles sanctions s’exposent le locataire vis-à-vis de son bailleur en cas d’infraction ?

La jurisprudence en matière de sous-locations de courtes durées consenties par un locataire titulaire d’un bail d’habitation à titre de résidence principale via la plateforme Airbnb est née par un premier jugement rendu par le tribunal d’instance du Paris du 6ème arrondissement en date du 16 avril 2016 n°.

Dans cette affaire, le juge avait condamné les locataires à la somme de 5.000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la sous-location illicite, outre 2500 € au titre de l’article 700.

Les locataires ont interjeté appel en tentant de faire valoir l’enrichissement sans cause du bailleur, en contestant la qualification des « fruits civils » et en indiquant qu’ils devaient être les seuls créanciers des sous-loyers.

Par un arrêt du 5 juin 2018 n°16/10684, la Cour d’appel a débouté les locataires de leurs demandes et les a condamné à rembourser à leur bailleur la totalité des sommes qu’ils avaient perçues via la sous-location non autorisée de leur appartement, soit la somme de 27.295 euros. Elle a ainsi retenu que les loyers perçus au titre de la sous-location sont des fruits civils de la propriété (art 546 du Code civil) et qu’ils appartiennent de facto au propriétaire, et qu’en conséquence le détournement fautif au détriment du propriétaire de fruits civils produits par la sous-location de la propriété immobilière, cause nécessairement un préjudice financier à celui-ci, qu’il convient de réparer en son intégralité.

Non satisfaits de la décision et de leur lourde condamnation financière, lesdits locataires se sont pourvoient en cassation.

C’est dans ce contexte que la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois le 12 septembre 2019 à propos des sous-locations de courtes durées consenties par un locataire titulaire d’un bail d’habitation à titre de résidence principal via la plateforme Airbnb, arrêt qui figurera au Rapport annuel de Cour.

Aux termes de son arrêt, la Haute Cour a rejeté le pourvoi et a confirmé l’analyse retenue par la Cour d’appel en ces termes « Attendu que, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu’ayant relevé que les locataires avaient sous-loué l’appartement pendant plusieurs années sans l’accord du bailleur, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, nonobstant l’inopposabilité de la sous-location au bailleur, que les sommes perçues à ce titre devaient lui être remboursées ».

Il convient de préciser que la Cour d’appel de Paris a confirmé sa position dans deux arrêts en date des 16 avril 2019 n°17/14668 et 13 septembre 2019 n°17/0438.

Il semble désormais définitivement acquis que les sommes perçues par le preneur au titre de la sous-location non autorisée de son appartement doivent être intégralement remboursées au Bailleur.

III. Comment obtenir la condamnation de mon locataire qui sous-loue mon appartement sans mon autorisation ?

Avant d’intenter une action contre le locataire en vue d’obtenir le remboursement des sous-loyers perçus par ce dernier et la résiliation de son bail, il est impératif pour le propriétaire bailleur de se prémunir de preuves afin de pouvoir justifier de l’infraction commise par devant le tribunal.

Plusieurs outils sont à votre disposition : - Le constat d’huissier sur internet de l’annonce publiée sur la plateforme de type Airbnb : il mettra ainsi en exergue les nombreux commentaires des sous-locataires, le prix de la nuitée, la date de parution de l’annonce et les périodes de disponibilité. - saisir le Président du Tribunal d’instance des lieux loués d’une requête aux fins de désignation d’un huissier de justice. A l’issue de cette requête, le président rend une ordonnance aux termes de laquelle il désigne un huissier et fixe ses missions.

Cette procédure est intéressante dès lors qu’elle permet à l’huissier de pouvoir se rendre sur les lieux loués sans que le locataire soit prévenu préalablement, et donc de pouvoir constater la présence d’effets personnels des touristes, et éventuellement de les interroger s’ils sont sur place. L’ensemble de ses investigations seront reportées aux termes de son constat.

Elle permet également de palier au constat d’huissier sur internet dans l’hypothèse où vous ne parviendrez pas à trouver l’annonce de votre locataire sur la plateforme internet ou au contraire de le consolider afin de justifier que l’annonce publiée et le logement sont bien identiques Une fois le constat d’huissier établi, il conviendra d’adresser une sommation au locataire de communiquer l’ensemble de ses relevés Airbnb afin de connaitre le nombre de nuitées qu’il a réalisées et les sommes perçues à ce titre.

Il existe également d’autres moyens de preuve mais dont la force probante reste à la libre appréciation du juge, tels que les mails échangés avec votre locataire aux termes desquels il peut vous indiquer avoir cassé par exemple sa serrure ou perdu le double des clés ;

Une fois les preuves réunies, le propriétaire pourra assigner le locataire devant le tribunal d’instance du lieu du logement litigieux aux fins d’expulsion et remboursement des sommes qu’il a perçues au titre de la sous-location, outre la réparation d’un préjudice moral et/ou financier au titre des éventuelles dégradations commises.

En conclusion : je vous rappelle que chaque dossier est différent et que la sanction reste à la libre appréciation du juge. Le locataire peut également mettre en exergue certains arguments en défense qui seront appréciés souverainement par le juge. En effet ce dernier peut prouver que la sous-location illicite n’est pas rapportée dans le cas où le constat ne caractériserait pas l’infraction reprochée.

Lorène Derhy