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Amiante dans les enrobés : quels risques et moyens d'action ?

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Déjà 19 ans que l’utilisation de l’amiante est interdite en France, aussi bien dans le bâtiment, les produits d’usage domestique que la construction des routes. Pourtant, l’amiante est toujours aujourd’hui la 1ère cause de maladies mortelles dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, et ce sont environ 2 millions de travailleurs susceptibles d’y être exposés chaque jour en France.

La première action pour prévenir les risques liés à l’amiante ? Un repérage et diagnostic complet pour permettre la mise en place des bonnes mesures de protection individuelle et collective.

Des millions de tonnes d’enrobés contaminés par l’amiante

Entre 1970 et 1995, les fibres d’amiante étaient largement plébiscitées dans la construction de voies routières pour prévenir l’usure et la création de fissures, en empêchant l’enrobé de se dilater. La présence d’amiante est avérée sur des nombreux kilomètres de surfaces bitumées : autoroutes, routes publiques ou privées, parkings, péages d’autoroutes, trottoirs… Ce sont aujourd’hui des millions de tonnes d’enrobés qui sont susceptibles d’être contaminés par des fibres d’amiante sur l’ensemble de notre territoire, selon le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Lors de travaux, ces routes peuvent alors libérer des fibres d’amiante qui peuvent être inhalées et provoquer des maladies respiratoires graves.

Focus sur le terme "amiante"

Le terme "amiante" regroupe 6 minéraux que nous pouvons répartir en 2 groupes : les serpentines (le chrysotile) et les amphiboles (l’amosite, la crocidolite, l’anthophyllite, la trémolite, l’actinolite). Ces dernières, les amphiboles, sont alors classées selon leur morphologie : elles sont asbestiformes ou non-asbestiformes. La réglementation amiante en France s’applique aujourd’hui seulement au chrysotile ainsi qu’aux morphologies asbestiformes des 5 amphiboles.

Quel amiante dans les enrobés ?

C’est le crysotile qui a été utilisé volontairement dans la fabrication des enrobés jusqu’en 1997, à hauteur de 1% en masse. Cependant, les diagnostiqueurs et laboratoires accrédités Cofrac ont également constaté la présence d’amiante actinolite non-asbestiforme – sous la forme de fragments de clivage - dans des carottages d’enrobés. Ces fragments, selon leurs formes, peuvent s’apparenter alors à des fibres d’amiante asbestiformes. C’est pourquoi l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) a publié le 17 décembre dernier un avis officiel dans lequel elle conclut qu’en l’état actuel des connaissances, les fragments de clivage des minéraux homologues des variétés d’amiante "réglementaires" ayant les dimensions d’une fibre, ainsi que certaines espèces minérales actuellement non réglementées, peuvent conduire à des effets sanitaires similaires à ceux de l’amiante.

Le diagnostic amiante dans les enrobés Avant tout travaux sur une voie routière datant d’avant 1997, la réglementation impose de faire réaliser au préalable un diagnostic amiante dans les enrobés afin de caractériser le risque amiante. Ce diagnostic doit être réalisé quelle que soit la nature des travaux : rabotage d’une chaussée, tronçonnage d’une portion, modification du tracé… La mission est alors confiée à un diagnostiqueur formé aux risques amiante et certifié par un organisme accrédité Cofrac. Il prélève à un carottage de l’enrobé, mesurant en général entre 20 et 30 cm de profondeur et englobant l’ensemble des différentes couches de la route. Le prélèvement est alors transmis auprès d’un laboratoire d’analyse, également accrédité Cofrac, qui se charge de broyer et d’analyser chaque couche. Une fois les résultats d’analyse réceptionnés, c’est la société de diagnostic qui va les compiler et rédiger son rapport, dans lequel les prélèvements et résultats positifs et négatifs seront cartographiés précisément. Dans cette optique, la circulaire du 15 mai 2013 prévoit de cartographier l’ensemble du réseau routier français non-concédé, soit 12.000 km d’autoroutes et de routes nationales. Elle vient compléter le décret 2012-639 du 4 mai 2012, qui étend les obligations réglementaires liées à la détection, au retrait et au traitement des produits amiantés aux opérations de travaux sur voirie.

Faut-il couper la circulation ?

Si les carottages doivent se faire sur une portion de route ouverte à la circulation en temps normal, le maître d’ouvrage se doit de procéder à la demande d’arrêtés préfectoraux, indispensables pour toute coupure de circulation. Cette mesure est obligatoire pour assurer la sécurité des passants.

Philippe Selle