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Bail commercial : Point de départ des intérêts moratoires

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Cette question demeurait débattue. La Cour de Cassation a le mérite d'avoir tranché la question. Dorénavant, les intérêts moratoires attachés aux loyers courent, en l'absence de convention contraire, du jour de la demande en fixation du nouveau loyer par le seul effet de la loi et non à compter de sa fixation par le juge.

Par cette décision de censure partielle la haute Cour met un terme à la polémique relative au point de départ des intérêts du loyer de renouvellement fixé judiciairement.

Dans une espèce où, eu égard à la réhabilitation entreprise dans les lieux loués, le preneur exploitant un hôtel entendait obtenir un abattement sur le loyer de renouvellement, la haute cour apporte par ailleurs des précisions quant à l'administration de la preuve de la réalité des travaux.

Point de départ des intérêts moratoires

La question du point de départ des intérêts sur les loyers arriérés, à la suite de la fixation du prix du bail renouvelé, fait débat depuis longtemps. En effet, alors que dans les années 1960, la Cour de cassation a estimé que les intérêts de droit sont dus à compter du jour de l'assignation (Com. 14 janv. 1964, Bull. civ. III, nos 25 et 26 ; Civ. 3e, 14 mars 1969, Bull. civ. III, n° 238), elle est par la suite revenue sur cette position, fixant le point de départ des intérêts du nouveau loyer à compter de la date d'effet du renouvellement et au fur et à mesure des échéances mensuelles (Civ. 3e, 27 févr. 1976, Gaz. Pal. 1976. 1. Somm. 134 ; 23 mars 1988, Gaz. Pal. 1989. 1. Somm. 47, obs. Brault ; 30 janv. 1991, Bull. civ. III, n° 44 ; 12 déc. 2006, Gaz. Pal. 2007. 1. Somm. 1983, obs. Barbier ; sur la question, V. Thomas-Degouy, AJPI 1991. 974).

La cour d'appel de Paris a, elle aussi, évolué sur cette question, retenant dans un premier temps la date d'effet du renouvellement (Paris, 12 sept. 2007, Gaz. Pal. 2007. 2. Somm. 4113, obs. Ch.-É. Brault ; 2 avr. 2008, AJDI 2008. 851 ; 28 janv. 2009, Administrer avr. 2009. 49, obs. Sainturat ; V. aussi TGI Nanterre, 15 janv. 2008, AJDI 2009. 707, obs. D. Lipman-W. Boccara ), avant d'opérer un revirement et de prendre en considération le jour de l'arrêt fixant le loyer (Paris, 4 nov. 2009, 2 arrêts, AJDI 2010. 548, obs. A. de Galembert ; 24 févr. 2010, Administrer avr. 2010. 31, obs. M.-L. Sainturat ; 2 déc. 2009, ibid. 32, obs. M.-L. Sainturat ; V. aussi TGI Paris, 28 avr. 2011, Administrer juill. 2011. 34, obs. crit. M.-L. Sainturat)

On saluera, par conséquent, le travail de clarification opéré par la troisième chambre civile qui, tout en réservant l'hypothèse de l'existence d'une convention contraire, réaffirme, près de cinquante ans plus tard, que les intérêts moratoires courent du jour de la demande en fixation du nouveau loyer par le seul effet de la loi. Rendue au visa de l'article 1155 du code civil, cette solution est conforme à la lettre de ce texte, qui se réfère au « jour de la demande ou de la convention ».

Preuve de la réalité des travaux engagés

Conformément aux articles L. 311-1 et suivants du code du tourisme (anc. L. n° 64-645, 1er juill. 1964), pour limiter l'augmentation de loyer de renouvellement, le preneur, exploitant un établissement hôtelier, excipait d'importants travaux d'amélioration réalisés dans les lieux.

On rappellera à cet égard que l'article L. 311-3 du code du tourisme interdit au propriétaire d'un local dans lequel est exploité un hôtel de majorer le loyer du fait de l'incorporation des améliorations pendant la durée du bail en cours et celle du bail renouvelé qui lui fait suite et pour une durée de douze années à compter de l'expiration du délai d'exécution des travaux (pour un ex. d'abattement de 40 % sur le loyer déplafonné, V. Civ. 3e, 15 nov. 2000, Bull. civ. III, n° 169).

Si, en appel, le preneur a obtenu un abattement pour travaux de 30 % de son loyer de renouvellement, devant les hauts magistrats, le propriétaire a fait porter le débat sur la justification des travaux. Il reprochait notamment au preneur de ne pas avoir produit les factures correspondantes, se contentant de l'état des marchés signés et des travaux complémentaires. Son argumentation n'est pas retenue, la Cour de cassation estimant que c'est souverainement que le juge d'appel a retenu que l'importance et la nature des travaux réalisés - la réhabilitation de l'hôtel ayant permis de porter son classement de trois à quatre étoiles - n'étaient pas sérieusement contestables.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 3 octobre 2012 n° 11-17177

Gabriel Neu-Janicki