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Bail commercial : Prescription de l'indemnité d'occupation et de l'indemnité d'éviction

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Jusqu'à la date de la prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction, le preneur qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation qui doit être fixée à la valeur locative.

Chacun le sait, il est conféré au locataire à qui il a été refusé le renouvellement de son bail un droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré jusqu'à perception de l'indemnité d'éviction (C. com., art. L. 145-28, al. 1er, pour des illustrations, V. not. Civ. 3e, 5 févr. 1997, Bull. civ. III, n° 27 ; 4 mai 2000, Bull. civ. III, n° 94).

A compter du moment où le bailest arrivé à son terme et n'a pas été renouvellé, le locataire est redevable non plus du loyer mais d'une indemnité d'occupation fixée à la valeur locative de marché. Ainsi, l'indemnité d'occupation due par le preneur peut être très supérieur au loyer précédemment payé et ainsi constitué une part importante de l'indemnité d'éviction.(Civ. 3e, 21 juin 1972, Bull. civ. III, n° 415 ; 29 nov. 2000, Bull. civ. III, n° 180).

La situation est donc radicalement différente de celle qui prévaut lorsque l'occupant se maintient dans les lieux sans droit ni titre.

L'indemnité d'occupation a, en effet, alors, une nature mixte, compensatoire et indemnitaire, dont le juge va souverainement apprécier le quantum. cette indemnité d'occupation, en cas de maintien dans les lieux contre la loi, ne correspond pas nécessairement à la valeur locative des lieux occupés (Com. 23 mars 1954, Bull. civ. III, n° 120; pour un ex. d'indemnité fixée au double du loyer, V. Com. 25 oct. 1967, Rev. loyers 1967. 429 ; V. aussi Civ. 3e, 21 janv. 1998, Bull. civ. III, n° 13).

Dans le cas soumis à la haute Cour, le bailleur avait refusé de répondre favorablement à la demande de renouvellement formulée par le preneur, mais avait offert de lui verser une indemnité d'éviction.

Quelques mois plus tard, une expertise était ordonnée.

Le preneur n'ayant pas engagé d'action dans le délai de la prescription biennale (C. com., art. L. 145-60), le bailleur assignait son cocontractant en expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation (jugeant qu'en cas de refus de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction, l'action en fixation du montant de l'indemnité doit être intentée par le preneur dans les deux ans à compter de l'ordonnance de référé ayant désigné l'expert, V. Civ. 3e, 8 juill. 2009, Bull. civ. III, n° 169 ; D. 2009. AJ 1966, obs. Y. Rouquet ).

De son côté, le preneur réclamait le paiement d'une indemnité d'éviction. Après avoir vainement tenté de faire valoir que la prescription n'était pas acquise, il obtient gain de cause quant à la nature juridique de l'indemnité d'occupation.

En effet, alors que le juge du fond a retenu que, du fait de la prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction, le preneur devait être considéré comme occupant sans droit ni titre à compter de la date de fin du bail et, de ce fait, devait s'acquitter d'une indemnité compensatrice et indemnitaire, la haute cour distingue deux périodes, correspondant à deux indemnités d'occupation de nature différente : une indemnité « L. 145-28 », pour la période comprise entre la date de la fin du bail et celle à laquelle l'action en paiement de l'indemnité d'éviction s'est trouvée prescrite ; une indemnité destinée à réparer le préjudice du bailleur dont le local est occupé par un occupant sans droit ni titre à compter de la prescription de l'action.

Cour de Cassation, 3ème Chambre civile, 5 sept. 2012 n° 11-19200

Gabriel Neu-Janicki