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Campagne présidentielle et politique du logement: se garder du populisme

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Bernard Cadeau, président d'ORPI, premier réseau de franchise d'agences immobilières et de cabinets d'administration de biens en France, a convié le candidat à la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy, pour qu'il présente son programme logement. Cette opération a eu lieu avant l'élection qui va départager les postulants à droite, comme cela va se faire à gauche et comme cela s'est fait chez les écologistes. Est-ce à dire que l'ORPI mise sur l'ancien Président de la République? C'est son droit, et en toute orthodoxie la probabilité que les primaires réussissent à Nicolas Sarkozy est extrêmement forte.

On peut légitimement penser qu'un homme qui a été aux affaires pendant cinq ans est plus prêt que ses compétiteurs, en matière de logement et sur l'ensemble des sujets majeurs pour les Français. Que penser des cinq propositions qu'il a formulées?

Il propose d'abord que l'État garantisse pour les primo-accédants modestes auprès des banques un prêt de l'ordre de 10% du montant de l'acquisition, pour servir d'apport personnel, le prêt à taux zéro n'étant pas assimilé à un apport initial. Cette mesure, pour généreuse qu'elle soit, vient un peu à contre-temps. Les banques n'ont aucune prévention envers les primo-accédants et prêtent jusqu'à 100% du montant de l'opération. Plusieurs mêmes vont jusqu'à financer les droits de mutations à titre onéreux, éventuellement avec un prêt à la consommation. D'ailleurs, on constate depuis quelques mois le retour des premières acquisitions, non seulement dans le neuf avec le prêt à taux zéro, mais aussi dans l'ancien, pour partie avec le PTZ avec travaux, et essentiellement avec des prêt libres et des PAS (prêts d'accession sociale). En outre, les taux d'intérêt sont à un niveau plus digeste que jamais. Certes, les banques n'acceptent pas tous les dossiers: ceux qu'elles rejettent correspondant à des demandes de ménages qui ont insuffisamment préparé leur opération, notamment parce qu'ils n'ont pas épargné du tout. Bref, aucun besoin d'aide supplémentaire. Cette mesure relève du gadget en somme.

La suppression de l'encadrement des loyers est une légitime tentation pour un candidat libéral. De toute façon, le marché avait fait son office, à Paris même, et avait calmé le jeu. Pour autant, il faut se rappeler que les ménages parisiens étaient majoritairement favorables à l'encadrement et il y a fort à parier que cette promesse avait rapporté des suffrages au candidat élu... En revanche, ne pas étendre la mesure est juste naturel s'il n'y a pas de demande des maires des communes qui pourraient être concernées. A cet égard, inscrire dans la loi ALUR ce qui fut un engagement de Manuel Valls à son arrivée à Matignon serait une avancée, qui plus est respectueuse des élus locaux. Une autre avancée, a minima, consisterait à décorréler dans la loi ALUR la création des observatoires en zones tendues et l'encadrement. Monsieur Valls l'a dit, mais s'est bien gardé de retourner devant le parlement pour faire modifier la loi du 24 mars 2014.

On croit à la rédemption du pécheur

Calculer, troisième mesure, les 25% de logements HLM obligatoires non pas par rapport au parc existant des communes mais par rapport aux constructions nouvelles peut sembler une bonne idée. C'est juste un peu rustique. Il y a deux sujets: le déséquilibre de villes qui ont trop dédaigné le logement social, et dont le patrimoine public est nettement insuffisant, et le déséquilibre des volontés pour l'avenir. La mesure Sarkozy règle le second problème. On pourrait peut-être même lever le pied sur le deuxième point, en rabaissant l'obligation à 20%, mais accentuer la pression sur les communes qui ont les taux les plus bas, dont la liste est connue. En clair, celles-là pourraient, elles, être astreintes à quota de construction HLM supérieur à la moyenne pour se remettre à niveau. Enfin, la mesure la plus pertinente porterait sur la nature des logements pris en compte dans le calcul: le parc social de fait, c'est-à-dire le locatif privé à occupation sociale, devrait être comptabilisé, dans le stock comme dans le flux. La connaissance du parc de nos communes autorise ce regard fin.

Ménager une franchise de 400000€ sur l'immobilier pour alléger les droits de succession en faveur de la transmission des patrimoines des familles est une idée heureuse, bien sûr. Au demeurant, présentée sans autre critère, la probabilité que Bercy la rogne au nom de la sauvegarde des finances publiques est énorme... Mieux vaudrait limiter cette mesure aux biens locatifs et à la résidence principale.

S'agissant de ramener à 15 ans la durée de détention des biens bâtis pour exonération d'imposition de la plus-value, que dire? Qu'on croit à la rédemption du pécheur. C'est le même homme qui a fait passer cette période de 15 à 30 ans. On peut juste se demander si la mesure tiendrait le temps du quinquennat et si ce sont de vraies convictions qui animent son auteur. Dans l'Écriture, la foi du converti vaut celle du croyant de toujours. En politique, on a le droit d'en douter un peu.

Au-delà de cette lecture des propositions du candidat Sarkozy, il y a un regret: derrière les mesures portant sur la demande, qui plus est toutes en forme de retouche de l'existant, rien sur l'offre. Certes, en termes de marketing politique, ces mesures peuvent séduire, concrètes, populaires, sachant que la frontière avec le populisme est ténue. Elles manquent de souffle. Rien sur la mobilisation du foncier, que la communauté professionnelle identifie comme le cancer majeur. Rien sur les normes de construction et leur inflation galopante. Rien sur la fiscalité immobilière plus largement, à commencer par les droits de mutation à titre onéreux ou l'amélioration du statut de l'investisseur dans l'ancien. On a du mal à se départir de la sensation que le candidat n'a pas mené la réflexion de fond qui l'aurait conduit à des dispositions plus fondamentales. Et pourtant, il faut reconnaître à Nicolas Sarkozy, et sans doute à l'institution qui l'a mis à la question, d'avoir articulé un programme. Le silence chez la plupart de ses compétiteurs, tous bords confondus, est assourdissant quant à la politique du logement.

Henry Buzy-Cazaux