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Romain Rossi-Landi

Ce que change juridiquement la prolongation de deux mois de la trêve hivernale

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Habituellement, entre le 1er novembre et le 31 mars, les expulsions locatives sont interdites et des places supplémentaires dans les centres d'hébergement d'urgence sont ouvertes pour accueillir les sans-abri pendant les périodes de froid. Emmanuel Macron a annoncé une prolongation de la trêve.

En raison de la pandémie du coronavirus (Covid-19), le président de la République Emmanuel Macron a annoncé une prolongation exceptionnelle de la période de la trêve hivernale de deux mois, soit jusqu'au 31 mai 2020. Cette prolongation avait été réclamée il y a quelques jours par les associations de lutte contre la pauvreté notamment la Fondation Abbé Pierre et les Restos du Cœur.

“Les personnes en situation de grande exclusion font partie des publics fragiles et plus exposés au virus. La remise à la rue de nombreuses personnes après le 31 mars les rendra plus vulnérables encore, alors que les associations auront, compte tenu de la crise sanitaire, une capacité d’accueil et d’aide potentiellement plus faible que les années précédentes”, écrivaient-elles. Le président de la République les a entendues.

Depuis son instauration par la loi du 3 décembre 1956, suite au combat de l’Abbé Pierre, la trêve hivernale prévue initialement du 1er novembre au 15 mars de l’année suivante, avait déjà été prolongée au 31 mars par la loi ALUR du 24 mars 2014.

Pas de gel des procédures judiciaires

Concrètement, les expulsions manu-militari ne pourront donc pas être mises en œuvre par les bailleurs avant le 31 mai prochain. Les expulsions locatives ne pourront donc être exécutées que pendant un court délai de cinq mois, entre le 1er juin et le 31 octobre 2020. Sur ce point, il convient de rappeler qu’il reste possible pendant la trêve hivernale d’initier la procédure judiciaire d’expulsion, c’est-à-dire de délivrer un commandement de payer au locataire mauvais payeur et de l’assigner en expulsion devant le Juge du contentieux de la Protection. De nombreux bailleurs croient à tort, qu’ils doivent attendre la fin de la trêve hivernale pour lancer la procédure et obtenir une décision du juge, c’est-à-dire un titre exécutoire d’expulsion.

Enfin, la prolongation exceptionnelle de la trêve hivernale décidée par le Président de la République ne devrait pas bénéficier aux squatteurs. Depuis la loi Elan du 23 novembre 2018, la trêve hivernale ne peut plus bénéficier aux squatteurs, c’est-à-dire selon la loi "les personnes entrées sans droit ni titre dans le domicile d’autrui, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte".

Seuls les locataires "en titre" restent protégés par la trêve. Ainsi, les locataires ayant vu leur bail résilié par acquisition de clause résolutoire ou qui se maintiennent abusivement dans les lieux à la suite d’un congé de leur bailleur ne sont donc pas concernés et continueront à être protégés par la trêve hivernale.

Romain Rossi-Landi