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Avis d Experts

Cession séparée de la chambre de service et standing de l'immeuble

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La question de la validité de l’interdiction de la cession de chambre de service séparément de l’appartement principal, ou à des personnes qui ne sont pas déjà copropriétaires est l’objet du regard attentif des juridictions.

Vous rappelez-vous le film « Les dames du sixième étage » relatant la vie, dans un immeuble bourgeois, des domestiques logés dans les chambres de service ? Le temps des domestiques à demeure est achevé et, en l’état de la pression immobilière, la tentation peut venir au propriétaire d’un appartement de vendre la chambre de service.

Prudemment des règlements de copropriété interdisent de céder les lots à usage de chambre de service autrement qu’avec l’appartement au service duquel elles sont attachées, ou bien à d’autres copropriétaires de l’immeuble. Cette restriction est compréhensible pour veiller à maintenir une certaine unité entre les copropriétaires. Mais le droit de propriété a conduit la loi de 1965, en son article 8 àpréciser que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celle qui serait justifiée par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation.

Autrement dit, c’est à une appréciation au cas par cas qu’il faudra se livrer pour déterminer si la clause restrictive est valable ou bien si elle doit être considérée comme une de ces clauses dites non décrites que vise l’article 43 de la loi du 10 juillet 1960.

Le lecteur aura peut-être tendance à penser qu’il suffit que l’immeuble soit de nature bourgeoise pour pouvoir estimer valide la clause restrictive. Dans un arrêt du 3 septembre 2014 la cour d’appel de Paris a pourtant estimé illicite une clause restrictive dans un immeuble à usage d’habitation ou professionnelle comportant des commerces au rez-de-chaussée dans la mesure où l’immeuble ne présentait pas les caractéristiques d’un immeuble de très haut standing.

C’est bien en effet le critère principal à prendre en compte : la clause restrictive peut être considérée comme valable dans les immeubles de standing ne comportant qu’un nombre limité d’habitants. On relèvera qu’ici la cour d’appel a même évoqué la notion de très haut standing. En dehors cependant du standing, à prendre en compte, la notion de destination de l’immeuble est bien sûr importante qui a pu entraîner la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er octobre 2013 à prendre en compte le risque d’une activité de prostitution :

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que le groupe d'immeubles était situé dans une voie privée donnant sur une petite rue transversale à faible trafic reliant la contre-allée entre deux avenues où s'exerçaient des activités de racolage en vue de la prostitution, que cette activité se transportait ensuite dans les chambres de service des immeubles avoisinants, ce qui avait conduit les rédacteurs de règlements de copropriété à veiller à ce que le commerce de ces locaux ne soit pas susceptible de compromettre la destination et la tranquillité des immeubles, qu'au cours du temps, le standing n'avait pas été affecté, l'ensemble demeurant résidentiel, calme, verdoyant avec un nombre réduit de vastes appartements et que la cession séparée des chambres de service aurait pour effet de doubler le nombre des copropriétaires et de modifier la manière d'y vivre, la fréquentation en devenant plus intense et bruyante, la cour d'appel a pu retenir, sans violer l'article 1er du 1er Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la clause du règlement de copropriété interdisant la vente des lots secondaires à des personnes qui ne seraient pas déjà copropriétaires était justifiée par la destination de l'immeuble .

Ce n’est donc pas demain que l’on aura fini de plaider sur la validité des clauses interdisant la cession des chambres de service à des « étrangers à l’immeuble ».

Jean de Valon