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Avis d Experts

Changer le rapport des Français à l'Etat pour le logement

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Le projet de loi de finances initiale pour 2016 est en préparation. Il sera transmis à l'Assemblée nationale puis au Sénat entre la fin du mois de septembre et le début du mois d'octobre. La communauté immobilière comme les représentants des propriétaires et les associations de locataires attendent et craignent, sans doute un peu plus cette année que l'an dernier. Pourquoi ? Parce que les caisses sont vides et que le risque que des aides disparaissent ou soient sous-dimensionnées est réel et plus menaçant que jamais. En plus, les menaces ont été proférées explicitement : le ministre du budget n'a pas fait mystère de vouloir rationnaliser les aides personnelles. On est plus rassurés pour le prêt à taux zéro, dont la rapporteure du budget à l'Assemblée nous a révélé que la baisse des taux en avait fortement diminué le coût, plus léger que jamais.

Au fond, le problème n'est pas là. Nous nous comportons un peu face au budget du logement comme les convives d'un restaurant qui auraient décidé de manger pour cher plutôt que de préméditer de choisir ce qu'ils aiment et leur fera du bien. Oui, le budget mérite d'être rationnalisé. Que mettre derrière ce concept froid ? De la morale et du sens.

Peut-on s'indigner que l'idée fasse son chemin de faire dépendre les aides versées du patrimoine de leurs allocataires? Peut-on être choqué que l'aide personnelle aux étudiants soit attribuée en considération du revenu des parents pour les jeunes qui ne travaillent pas, ou encore qu'elle ne soit pas cumulable avec la part fiscale de l'enfant dans le foyer ? Peut-on nier que la systématicité de l'attribution de cette aide ait conduit à une inflation du loyer des petites surfaces dans les villes universitaires? Au-delà de la question des aides personnelles, une réforme du droit au logement social ne serait-elle pas de saison? Le droit au maintien dans les lieux des occupants des HLM doit être remis en question, et l'instauration des surloyers pour les locataires dont les revenus ont fini par dépasser les plafonds ne suffit pas. Berf, plus que rationnaliser, il faut moraliser.

Derrière chaque aide, il y a un lobby et ce n'est pas le lobbyiste que je fus qui va faire semblant de ne pas le savoir. Pourtant, je prétends que le lobbying lui-même peut être fondé sur des valeurs et que toutes les causes ne sont pas bonnes à défendre. Pour moi, j'ai ainsi demandé dès 1993 à Hervé de Charette et François Bayrou, respectivement ministres du logement et de l'éducation nationale une réforme de l'ALS étudiant. Je représentais alors la Fnaim... J'avais été remué par l'aveu du directeur de la construction de l'époque, le plus haut fonctionnaire de l'administration du logement, grand commis de l'Etat estimable, qui m'avait avoué trouvé anormal que son fils étudiant ait droit à l'aide étant donné les revenus de son père...

Nous devons changer notre façon de regarder l'Etat et son rôle. La tentation de l'invoquer sans cesse est grande. Il est là pour aider celles et ceux qui en ont vraiment besoin, lorsqu'ils en ont besoin, ni plus ni moins. L'aide publique n'est pas acquise à vie. Elle n'est pas non plus un confort, mais une clé d'accès pour les locataires ou les accédants qui n'en ont pas d'autre, dans le champ privé, avec leurs propres moyens personnels ou familiaux. L'Etat n'est pas là non plus pour que les aides soient récupérées par les producteurs, de produits ou de services. En clair, le versement des aides ne peut pas être un jeu à somme nulle, dans lequel les vendeurs ou les bailleurs récupèrent en quelque sorte l'aide par augmentation des prix de cession ou de loyer, l'attributaire de l'aide ne se trouvant pas resolvabilisé par l'effort public. En tout cas, en contribuable, j'entends que mes impôts servent à la redistribution, pas à d'autres mécanismes moins honorables et économiquement pervers.

En retour, et cette question est de taille, l'Etat ne peut exiger de la nation cette vision vertueuse s'il ne se l'applique pas. Aucune nouvelle ponction financière ni fiscale ne doit venir impacter le logement. Il faut même réformer certains impôts et taxes, archaïques et injustes, tels les droits de mutation à titre onéreux...auxquels les collectivités se sont habituées comme les allocataires se sont habitués aux allocations.

Henry Buzy-Cazaux