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Lorène Derhy

Comment une copropriété peut interdire les locations Airbnb

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Il n’est pas rare de voir de plus en plus de copropriétaires s’adonner à une activité de location meublée saisonnière dite de courte durée. La pratique d’une telle activité peut énerver une copropriété en son ensemble, lasse de ces va-et-vient. Comment interdire ou restreindre une telle activité ? Pour cela, plusieurs moyens existent et peuvent être entrepris soit individuellement par un copropriétaire, soit par le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic. Inversement, le propriétaire qui se voit opposer un refus à pratiquer une telle activité peut parvenir à lever cette interdiction sous certaines conditions.

Pour restreindre la location meublée saisonnière, le syndic dispose de 3 moyens alternatifs et/ou cumulatifs, à savoir : le règlement de copropriété, le trouble anormal de voisinage ou encore l’affectation du lot litigieux

I. 1er moyen : Le règlement de copropriété

Lorsque les locations de courte durée interviennent dans le cadre d’une copropriété, la loi du 10 juillet 1965 est régulièrement invoquée au soutien de contentieux opposant les bailleurs qui se fondent sur leur liberté de pouvoir disposer de leur bien de ceux qui souhaitent voir interdire les locations meublées en se fondant sur la tranquillité de l’immeuble et de la copropriété.

Si vous êtes dans une telle situation, les juges vont rechercher si l’interdiction est prévue dans le règlement de copropriété. Si celui-ci est silencieux à ce sujet, les juges vont alors regarder si l’activité est conforme ou non à la destination de l’immeuble.

- Cas n°1 : L’activité est interdite dans le règlement de copropriété

Le règlement de copropriété peut prévoir l’interdiction expresse de l’exercice de l’activité de locations meublée de courte durée ou la restreindre.

Toutefois, le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble (article 8 loi 10 juillet 1965) et chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble (article 9 loi 10 juillet 1965).

La Cour de cassation a rappelé ce principe dans un arrêt du 8 juin 2011, n°10-15891 aux termes duquel elle a admis que devait être réputée non écrite la clause du règlement de copropriété soumettant la possibilité de louer son lot en meublé à l’autorisation de l’assemblée générale dès lors que l’exercice de professions libérales était permis expressément dans l’immeuble. Elle a reconnu que ces deux activités entraînaient des nuisances identiques et qu’en conséquence une telle restriction à la location meublée n’était pas justifiée par la destination de l’immeuble.

De même, une clause interdisant purement et simplement les locations meublées sans qu’elle puisse être justifiée par le respect de la destination de l’immeuble serait illicite.

Si le règlement prévoit une clause d’habitation bourgeoise exclusive, réservant ainsi l’immeuble en son entier à de l’habitation, la location meublée de courte durée est donc interdite.

Si le règlement prévoit une clause à destination bourgeoise, cela signifie en principe que les activités libérales et habitation sont autorisées, ou encore à usage mixte, permettant l’activité commerciale sous réserve de respecter l’affectation des lots. Dans ces deux hypothèses, les juges approuvaient l’activité de location de meublé touristique.

Toutefois, dès 2013, ces principes ont été fragilisés par un arrêt de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 11 Septembre 2013, n° 11/12572). Dans cette affaire, les juges ont décidé de durcir leur position en ne prenant plus en compte la mixité d’usage de l’immeuble et la proximité de ladite activité avec les clientèles des professions libérales

Pour apprécier la conformité des locations meublées aux règlements de copropriété, les juges s’appuyaient sur deux critères essentiels :

  • - l’activité commerciale que constitue la location, même de courte durée, de meublés touristiques ;et
  • - les troubles de voisinage susceptibles d’être causés par cette activité

En l’espèce, ces deux éléments étaient bien caractérisés : les locations contestées s’apparentaient bien à des prestations commerciales d’hôtellerie, incompatibles avec le règlement de copropriété excluant toute activité commerciale ; en outre, des nuisances sonores et matérielles, notamment sur les parties communes, causées par les travaux d’aménagement des meublés, avaient pu être constatées.

Le coût d’arrêt a été donné par la Cour de cassation le 8 mars 2018, n°14-15.864, en admettant que les locations de meublés touristiques ne correspondent pas à la destination d’un immeuble à usage mixte professionnel-habitation.

Dans cette affaire, la Cour de cassation a statué sur la question de savoir si les clauses d’un règlement de copropriété relatives à la destination de l’immeuble peuvent entraver le droit d’un copropriétaire de transformer librement les parties de son lot en meublés de tourisme.
Elle y répond par l’affirmative : « (…) attendu qu'ayant retenu qu'il résultait des stipulations du règlement de copropriété que l'immeuble était principalement à usage d'habitation, avec possibilité d'usage mixte professionnel-habitation et à l'exclusion de toute activité commerciale, ce qui privilégiait son caractère résidentiel qui était confirmé, dans sa durée et sa stabilité, par l'obligation pour le copropriétaire d'aviser le syndic de l'existence d'un bail et constaté que (les bailleurs) avaient installé dans les lieux des occupants, pour de très brèves périodes, ou même des longs séjours, dans des « hôtels studios meublés » avec prestations de services, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que ces rotations des périodes de location ne correspondaient pas à la destination de l'immeuble, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».

Cet arrêt conforte définitivement l’orientation de la jurisprudence récente vers une appréciation assez stricte de la conformité des locations de ce type avec les clauses du règlement de copropriété.

Cette solution peut sembler abusivement sévère, le parallèle jadis effectué par la jurisprudence entre l’autorisation d’exercice des professions libérales et les locations de meublés touristiques paraissant convaincant : dans les deux cas, un financement est escompté et obtenu, et les passages des clients comme des preneurs, répétitifs et potentiellement gênants pour les habitants de l’immeuble. Toutefois, la solution peut être justifiée par le fait que les allers et venues des premiers n’ont lieu qu’en journée et font courir un moindre risque de nuisances, que les seconds qui, louant généralement un appartement pour quelques jours de vacances, seront davantage enclins à négliger la réglementation de l’immeuble et la tranquillité de ses habitants permanents.

- Cas n°2 Le règlement de copropriété n’interdit pas expressément cette activité

Si le règlement n’interdit pas expressément cette activité, le propriétaire qui exerce l’activité de location meublée de courte durée est tenu de respecter la tranquillité de l’immeuble et les droits des autres copropriétaires, faute de risquer de se voir assigner pour trouble anormal de voisinage.

II. 2eme moyen : Le trouble anormal de voisinage

Si le règlement de copropriété n’interdit pas cette activité et que le changement d’affectation du lot a été respecté, le copropriétaire qui pratique la location meublée saisonnière de son bien, doit veiller au respect de la tranquillité de l’immeuble et de l’ensemble des autres copropriétaires.

En cas de nuisances de la part de son locataire, (cris, tapage nocturne, dégradation des parties communes…), le syndicat, représenté par son syndic, a qualité pour agir à l’encontre du copropriétaire pour trouble de jouissance ou trouble anormal de voisinage.

Dans un arrêt du 21 mai 2014, la cour d’appel de Paris a ainsi condamné le propriétaire d’un appartement à payer au syndicat la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des troubles anormaux de voisinage occasionné par son locataire.

La théorie du trouble anormal de voisinage permet d’engager la responsabilité du responsable sans qu’il soit nécessaire qu’une quelconque faute soit rapportée. C’est une responsabilité objective qui nécessite de rapporter la preuve d’un lien de causalité entre un fait et une nuisance constitutive d’un trouble anormal.

Attention : si l’action est menée par le syndicat, celui-ci devra rapporter la preuve que l’ensemble des copropriétaires est affecté par le trouble. Cette preuve peut être difficile à établir en pratique dès lors que les séjours sont de courte durée.

Le copropriétaire peut également agir seul dès lors que son seul lot est affecté par le trouble (Cour d’appel Paris, 15 juin 2016, n°15/18917)

III. 3e moyen : L’affectation du lot litigieux est-elle respectée ?

En matière de location de meublée de tourisme, pour mémoire, l’article L 631-7 du CCH impose une procédure de changement d’usage du lot d’habitation pour les résidences secondaires, laquelle est soumise à l’obtention d’une autorisation définitive moyennant une compensation pour la plupart des villes de France. Cette règlementation ne s’applique pas aux résidences principales

Attention, le propriétaire doit faire connaitre au syndicat du respect de l’accomplissement de cette procédure.

En effet, la Cour d’Appel de Paris, dans un arrêt du 8 juin 2012 n°11/13256, a admis que le non-respect de cette réglementation peut être signalé par les membres du conseil syndical à la mairie de Paris, laquelle procède alors à une enquête et a ordonné le retour à l’habitation des locaux transformés dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard.

Ainsi pour changer l’affectation de son lot en toute légalité il convient de demander un changement de destination de son lot au cours d’une assemblée générale, laquelle nécessite un vote à l’unanimité de l’ensemble des copropriétaires.

En cas de refus injustifié, un abus de majorité pourra être reproché au syndicat des copropriétaires dans l’hypothèse d’un règlement qui accepterait une activité de location meublée de courte durée, ou dans une copropriété où une telle activité serait déjà exercée par un autre copropriétaire.

Toutefois, le refus d’autorisation de modification de la destination d’un lot pour pouvoir exercer une activité de loueur de meublé de courte durée pourrait être justifié si l’immeuble est à destination bourgeoise.

En cas de changement d’affection d’un lot en infraction au règlement de copropriété ou de l’état descriptif de division, tout copropriétaire ou syndicat de copropriétaires pourra s’y s’opposer, qui le plus souvent cause un trouble de jouissance, en assignant le copropriétaire responsable aux fins de rétablissement de l’affectation du lot, conformément à celle prévue dans le règlement de copropriété.

Cette action repose sur l’article 42 de loi du 10 juillet 1965 qui dispose que les actions personnelles entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans. L’obligation d’inscrire sur toute annonce le numéro d’enregistrement constitue un outil intéressant pour les copropriétaires soucieux de s’assurer de la régularité des locations touristiques dans l’immeuble.

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En conclusion, en cas de contentieux, les juges sont amenés à rechercher au cas par cas la possibilité d’exercer d’une activité de location meublée de courte durée dans une copropriété, et ce en vérifiant la comptabilité de cette activité avec la destination de l’immeuble et les clauses du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division. Toutefois, on constate aisément que les juges sont enclins à l’accepter plus facilement si le règlement autorise une telle activité ou l’interdit expressément. Si le règlement ne prévoit aucune disposition à ce sujet, les juges vont étudier la régularité de cette activité avec la destination de l’immeuble et notamment si elle ne génère pas plus d’inconvénients que les activités autorisées.

Lorène Derhy