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Copropriété : Les meublés touristiques en sursis ?

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Le projet de loi ALUR, actuellement en deuxième lecture devant l’Assemblée nationale, pourrait limiter le principe de liberté des copropriétaires dans l’usage de leurs lots, dans le but de limiter le développement des meublées touristiques.

La ministre de l’égalité des territoires et du logement ne cache pas, en effet, son intention de lutter contre le développement des locations en meublé touristique, considérées comme contribuant à la pénurie de logements.

A ce jour, l’article 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 pose le principe que « chaque copropriétaire…use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble ».

L’alinéa 2 de son article 8 ajoute que « le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. » En pratique, les règlements de copropriété limitent souvent les activités susceptibles d’être exercées au sein de l’immeuble. Toute les gradations existent, de l’autorisation d’activités commerciales à l’exclusion de toute activité qu’elle soit commerciale ou libérale (clause d’habitation strictement bourgeoise), en passant par l’autorisation des seules activités libérales (clause d’habitation bourgeoise).

Le développement récent de la location en meublé touristique dans les grandes villes a donné lieu à des contentieux importants au sein de copropriétés.

Dans un arrêt remarqué du 8 juin 2011, la Cour de cassation a jugé qu’en application des articles précités de la loi du 10 juillet 1965, un même règlement de copropriété ne pouvait autoriser l’exercice de professions libérales et interdire la location meublée de courte durée, en retenant que les inconvénients causés par ces activités étaient similaires. La clause prohibant la location meublée de courte durée a, en conséquence, été jugée non écrite.

Cet arrêt n’est certainement pas étranger à l’insertion dans le projet de loi ALUR d’un article 6 sexies prévoyant que « l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble relevant du statut de la copropriété peut décider, à la majorité [des voix de tous les copropriétaires]….de soumettre à son accord préalable, décidé à la majorité [des voix exprimées]…, toute demande d’autorisation de changement d’usage d’un local d’habitation faisant partie de la copropriété par un copropriétaire aux fins de le louer de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ».

Ainsi, avant de saisir les autorités administratives pour obtenir l’autorisation de changement d’affectation d’un local d’habitation, le copropriétaire devrait solliciter l’avis préalable de la copropriété.

On peut émettre des réserves quant à l’efficacité de cette disposition. En effet, en pratique, rares sont les copropriétaires qui sollicitent l’autorisation préalable de changement d’usage requise dans les villes de plus de 200.000 habitants et dans les départements limitrophes de Paris, laquelle est soumise à des conditions très contraignantes. On ne doute pas toutefois que, s’il entre en application, cet article ne manquera pas de donner lieu à des débats animés au sein des assemblées de copropriétaires.

Cass. Civ 3ème 8 juin 2011 (pourvoi n°10-15.891).

Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové adopté par le Sénat le 26 octobre 2013.

Sophie Erignac-Godefroy