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Pierre-Yves Rossignol

Défaillance des compagnies d'assurance construction

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Le secteur de l’assurance-construction connaît aujourd’hui une multitude de défaillances de compagnies, dont certaines qui ont distribuées, par l’intermédiaire de courtiers, de nombreuses polices d’assurance dommages-ouvrages (DO) et Garantie Décennale. Cela concerne autant les particuliers que les promoteurs immobiliers. Quels sont les recours dans de telles situations ?

Dans un communiqué du 8 Mai dernier l’Autorité de contrôle Français (ACPR) a informé le public de la mise en liquidation d’ALPHA INSURANCE A/S, en annonçant que les assurés d’ALPHA INSURANCE A/S devaient sans délai s’assurer auprès d’un autre assureur pour la couverture de leurs risques futurs, notamment pour les risques dont l’assurance est obligatoire.

L’ACPR indique qu’un certain nombre de polices seront couvertes par le fonds de garantie danois, mais que pour les polices qui ne seront pas couvertes par le fonds de garanties danois, il conviendra d’adresser au liquidateur :

  • - les demandes de remboursement de sinistres ;
  • - les demandes de remboursement des primes pour la période d’assurance non couverte

A moins de comprendre parfaitement le Danois (!), force est de constater que ces défaillances peuvent avoir des conséquences désastreuses pour les souscripteurs.

La commercialisation en France de police d’assurance en « LPS » ou libre prestation de service, en parfaitement légal, au regard du droit européen. Toutefois la souscription de police d’assurance auprès de compagnie dont le siège peut être situé à Gibraltar ou au Lichtenstein, comporte néanmoins des risques évidents, qui éclatent aujourd’hui au grand jour avec les défaillances multiples de ces compagnies :

  • – les normes financières prudentielles applicables à ces compagnies d’assurance sont celles de leur pays d’origine et non pas celle de la France. Il peut donc exister un risque accru de défaillance de la compagnie d’assurance ;
  • -les compagnies étrangères n’étant pas soumise au contrôle de l’état français, elles ne bénéficient pas de la protection instituée avec le fonds de garantie des assurances de dommages.

En effet l’article L.421-9 du Code des assurances dispose que : « Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages institué par l’article L.421-1 est chargé de protéger les personnes assurées, souscriptrices, adhérentes ou bénéficiaires de prestations de contrats d’assurance dont la souscription est rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire, contre les conséquences de la défaillance des entreprises d’assurance agréées en France et soumises au contrôle de l’Etat en vertu de l’article L.310-1(...) »

Or, le chapitre II 5°de ce même article dispose aussi que : « Sont exclus de toute indemnisation au titre de la présente section les contrats d’assurance assurant les personnes morales et les personnes physiques souscriptrices, adhérentes ou bénéficiaires en ce qui concerne leurs activités professionnelles. Les professionnels recherchés, et en particuliers les promoteurs, ne seront pas couverts alors qu’ils sont exposés aux recours des particuliers…

S’agissant d’opérations d’assurance réalisées en libre prestation de services, le fonds français ne pourra intervenir à leur profit puisque, précisément, les entreprises d’assurance intervenant en LPS – bien qu’agréées pour intervenir en France – ne sont pas « soumises au contrôle de l’Etat ». Ce dernier, en pareille hypothèse, conformément à la loi s’en remet aux autorités du pays où l’assureur a son siège social.

Par ailleurs, la mise en œuvre des recours à l’encontre des fonds de garantie étrangers est longue et coûteuse. Il sera donc conseillé aux victimes de se regrouper pour intenter actions collectives ou actions de groupe à l’encontre des fonds de garantie, si l’indemnisation est insuffisante ou illusoire.

Les garanties délivrées par les assureurs étrangers n’incluent pas en général les condamnations “in solidum”.

Certes les contentieux peuvent, à priori, portés devant des juridictions françaises.

Tout d’abord, aux termes de l’ar­ticle L.112-7 du Code des assurances, le nom de l’Etat membre où se trouve le siège social de l’assureur doit être communiqué au souscripteur et doit figurer dans les documents. Par ailleurs, selon l’article L.182-1 du même Code : « Les contrats destinés à satisfaire à une obligation d’assurance imposée par une loi française sont régis par le droit français. »

Pour les garanties facultatives de la police DO ou RC décennale, lorsque le constructeur est installé en France (couvertures des dommages aux existants, immatériels, bon fonctionnement), la même solution s’appliquera, mais en vertu d’un autre article, l’article L.181-1 : « Lorsque le risque est situé, au sens de l’article L.310-4, sur le territoire de la Ré­publique française et que le souscripteur y a sa résidence principale ou son siège de direction, la loi applicable est la loi française à l’exclusion de toute autre. »

Cependant des difficultés importantes risquent de se poser lorsque le particulier ou promoteur bénéficiaire d’une décision favorable voudra la faire reconnaître puis exécuter à l’étranger…

Pierre-Yves Rossignol