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Julien Gondeau

Durée du bail, caution, location touristique... Ce que change la nouvelle loi sur le logement en Espagne

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Un décret-loi de mars dernier allonge la durée des baux et limite le montant des cautions. Il prévoit aussi de donner davantage de pouvoir aux copropriétaires pour limiter la location touristique.

L’article 47 de la Constitution espagnole stipule que "tous les Espagnols ont le droit de profiter d’un logement digne et adéquat. Les pouvoirs politiques promouvront les conditions nécessaires et établiront les normes pertinentes pour rendre effectif ce droit, en régulant l’utilisation du sol en accord avec l’intérêt général pour empêcher la spéculation".

En mars 2019, le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez semble avoir décidé d’orienter sa politique du logement en ce sens en instituant un décret-loi au niveau national qui a approuvé un changement de durée des contrats de location. En effet la dépense contrainte que représente le logement n’a cessé d’augmenter ces dernières années.

Les baux locatifs passent ainsi à 5 ans (contre 3 ans jusqu’à présent) dans le cas d’une location d’un propriétaire particulier, et à 7 ans dans le cas où le propriétaire est une "personne juridique". Il ne sera plus possible d’ajouter des cautions supérieures à deux mois de loyer. Dans le cas d’une location d’un appartement appartenant à une personne juridique, tous les honoraires iront à la charge du propriétaire. Le préavis pour le propriétaire pour ne pas renouveler le contrat sera désormais de 4 mois avant la finalisation du contrat.

Plus de pouvoir aux copropriétés sur les locations touristiques

Concernant les logements disposant d’une licence touristique, la nouvelle loi les exclut de son champ de compétence car le gouvernement considère qu’il s’agit d’une activité économique. Il existe à présent la possibilité pour une copropriété avec une majorité de 3/5ème de prendre des mesures pour limiter ou conditionner l’activité de la location touristique d’un logement.

Un alinéa de la nouvelle loi prévoit l’élaboration dans un délai de six mois d’un indice des prix de location.

Sur ce point la Generalitat (le gouvernement catalan) a mis en place le 21 mai un décret-loi (qui devra être approuvé par le Parlement catalan dans les 30 jours) qui donnera faculté aux maires de grandes villes de réguler le prix des loyers. Un indice de référence sera ainsi appliqué et des zones à forte tension en terme de prix des loyers définies. Par ce mécanisme, si un propriétaire loue dans le futur à un prix plus élevé que celui marqué par l’indice, le locataire pourra réclamer à un tribunal la différence du trop payé.

Des loyers en hausse de 38% en 5 ans

A Barcelone, ville où le tourisme a fortement augmenté et où la gentrification est une réalité, les prix des loyers ont augmenté de 38% lors des 5 dernières années, le prix moyen pour un appartement de 72 m2 s’établit ainsi à 949 euros par mois. En parallèle le salaire moyen est de 34.000 euros bruts par an. Dans la même ligne d’amélioration du processus locatif, le code civil catalan rendra désormais obligatoire un état des lieux d’entrée à inclure dans les contrats. De plus il est envisagé une durée de bail entre 6 et 10 ans (ce point sera débattu dans les six prochains mois).

Cette mesure intervient dans un contexte politique compliqué entre la mairie de Barcelone et le gouvernement catalan. L’actuelle maire de Barcelone (assimilée à Podemos) Ada Colau, dont la liste est arrivée en 2e position lors des élections municipales du 26 mai, avait questionné les facultés du gouvernement catalan à légiférer sur les questions du logement. En effet le gouvernement central pourrait contester ce décret-loi devant le Tribunal Suprême.

Cette mesure visant à limiter la hausse des prix des loyers est de loin la plus polémique. Selon les associations de propriétaires, elle pourrait avoir un effet pervers et inciter de nombreux propriétaires (notamment les institutionnels ou personnes juridiques) à retirer leurs biens du marché locatif ou privilégier les locations temporaires (entre 32 jours et 11 mois) en raison des contraintes de la nouvelle loi : durée du contrat de 7 ans et obligation de payer les frais d’agences.

A Barcelone les personnes juridiques représentent 25% des 204.000 contrats locatifs actuels. Autre effet pervers de la loi pourrait être la mise sur le marché de la vente de nombreux biens, ce qui réduirait l’offre disponible de biens en location.

De nombreuses exceptions au plafonnement des loyers

Du côté des locataires un certain nombre d’acteurs pointent les effets contradictoires sur les prix car les propriétaires auront la possibilité d’augmenter les prix jusqu’à 10% de plus de l’indice de référence et l’utiliser comme prétexte pour augmenter des loyers jusque là modérés. De plus la loi prévoit de très nombreuses exceptions à la limitation des loyers comme par exemple les logements neufs, les biens avec une vue exceptionnelle ou bien un jardin dans la copropriété.

En conclusion les pouvoirs publics ont décidé d’agir en cette année 2019 pour tenter de réduire la bulle des prix des loyers et faire baisser les prix élevés dans les zones à forte tension, principalement Madrid et Barcelone. Toutefois il faudra attendre d’une part la constitution du nouveau gouvernement central (issu des élections du mois d’avril) et d’autre part des nouveaux conseils municipaux pour que ces mesures soient consolidées. Par ailleurs cet ensemble de mesures devra être analysé en fin d’année pour déterminer si elles ont eu un effet positif sur le marché locatif.

Le parc locatif reste de toute façon largement insuffisant pour absorber une demande croissante, la mairie de Barcelone a ainsi livré 800 logements sociaux sur les 4 dernières années contre 8.000 annoncés en début de mandat.

Julien Gondeau