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Encadrement des loyers : Est-ce vraiment possible ?

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Une loi d’encadrement des loyers est promise pour cet été. Le débat idéologique sur ce thème ne doit pas cacher les difficultés techniques de son application et l’on peut s’interroger sur sa portée réelle.

Une ambition très mesurée

Telle qu’annoncée, cette loi concernera un très petit nombre de loyers. François Hollande a écrit dans son programme : « Dans les zones où les prix sont excessifs, je proposerai d’encadrer par la loi les montants des loyers lors de la première location ou à la relocation » (engagement n° 22). Plus précisément, Thierry Repentin, sénateur PS et proche du président, a déclaré dans un entretien à LaVieImmo.com qu' « un propriétaire ne pourra pas, à l’occasion du changement de locataire, fixer un loyer 10 ou 15 % plus cher que le loyer moyen du quartier ». Ceci ne concerne que les zones dites tendues. Combien de familles vont alors être concernées ? Est-on en train de faire une loi pour un pour cent des Français ? Et pas forcément les plus modestes car on parle des loyers les plus chers des zones tendues, donc de loyers déjà très élevés et accessibles seulement à une petite minorité… Pour les autres, rien ne changera.

Le loyer moyen du quartier : de quoi parle-t-on ?

Pour appliquer cette future loi, il est nécessaire de disposer de références fiables et publiques, que l’on pourra utiliser si l’une des parties conteste le niveau de loyer devant un juge. A ma connaissance, il n’existe pas de base de données des loyers de quartier avec une valeur probante. Le bail est un acte sous seing privé et n’est pas enregistré. L’Insee ne dispose pas de références de loyers et les chiffres habituellement publiés par les médias viennent de Clameur. Cette base de données, privée, a de grandes qualités (celle d’exister…), mais pas la rigueur et l’exhaustivité suffisantes pour ce qui nous intéresse. Il en est de même pour les chiffres de l’Olap. Enfin, il semble nécessaire de prendre en compte la qualité du logement, et on parle de loyer de logements « comparables ». Un appartement neuf de standing, au dernier étage avec vue et terrasse, justifie un loyer plus élevé que « le loyer moyen du quartier ». Les rédacteurs du décret d’application seront sans doute face à une complexité que les rédacteurs du programme de campagne n’avaient pas imaginée !

Vers encore moins de logements à louer ?

C’est la grande menace des associations de propriétaires qui sont traditionnellement opposées au blocage des loyers. Imaginons les scénarios probables de réactions des propriétaires face à cette future loi.

Pour la première location, en général un logement neuf, le loyer moyen du quartier, qui s’appuie par définition sur des logements anciens, ne permettra pas d’atteindre un minimum de rentabilité. Tout investisseur qui sait compter renoncera sans hésitation à mettre en location, ou pire encore renoncera à investir dans l’immobilier.

Pour la relocation, la question se pose quand l’appartement est vide, donc la vente facile : faut-il louer « au prix moyen du quartier » ou vendre pour faire un placement qui rapporte plus ? Dans le contexte immobilier des zones tendues, l’investisseur avisé vendra à coup sûr.

Le risque est réel d’avoir une loi dont les effets sont contraires aux objectifs.

Hervé Parent