BFM Immo
Pierre-Yves Rossignol

Erreur du diagnostiqueur d'amiante : Quelle indemnisation peut-on réellement recevoir ?

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A l’occasion de la vente d’un bien immobilier, les vendeurs doivent produire un diagnostic amiante.

Le diagnostiqueur doit réaliser le repérage de la présence éventuelle de matériaux et de produits susceptibles de contenir de l’amiante, dont la liste figure à l’annexe 13-9 du Code de la santé publique (et notamment les flocages, projections et enduits, calorifugeages, conduits et canalisations, panneaux de faux-plafonds, et revêtements en dur).

A la lecture des textes, les obligations du diagnostiqueur semblent relativement sérieuses et approfondies quant à la réalisation de ce diagnostic obligatoire. L’obligation du vendeur d’immeuble résulte de l’article R.1334- 24 du Code de la santé publique qui dispose que «les propriétaires des immeubles mentionnés à l’article R.1334-23 produisent, au plus tard à la date de toute promesse de vente ou, à défaut de promesse, à la date de l’acte authentique de vente, un constat précisant la présence ou, le cas échéant, l’absence de matériaux et produits contenant de l’amiable mentionnés à l’annexe 13-9 (…) »

La pratique révèle malheureusement que vendeur comme acquéreur sont très mal protégés en cas d’erreur du diagnostiqueur.

Or, dans la plupart des cas, la découverte de la présence d’amiante - alors que le diagnostiqueur n’en avait pas décelé - est une véritable calamité.

Tout d’abord pour l’acquéreur qui se trouve devant l’obligation de retirer la totalité des matériaux contenant de l’amiante : les travaux de désamiantage sont particulièrement onéreux.

« L’encapsulage » (il faut comprendre emballage) des matériaux contenant de l’amiante est souvent nécessaire, les ouvriers doivent revêtir des combinaisons particulières, véritables scaphandres, garantissant l’absence de tout contact avec des poussières d’amiante, ce qui peut augmenter la facture de 10 à 30 % du montant de l’acquisition !

Mais également pour le vendeur qui se retrouvera à coup sûr face à une procédure judiciaire. Si le vendeur est considéré comme de mauvaise foi, c’est-à-dire dire s’il était au courant de la présence d’amiante et qu’il n’a pas averti le diagnostiqueur, la jurisprudence des tribunaux considére que l’acquéreur peut se retourner à l’encontre du vendeur sur le fondement de l’action en garantie des vices cachés (Cassation Civile IIIème, 7 octobre 2009, Bulletin Civil 2009 III n°219), mais si le vendeur est de bonne foi, il n’est pas tenu à garantie des vices envers l’acquéreur qui, de son côté, ne peut que se retourner sur le plan de la responsabilité pour faute à l’encontre du diagnostiqueur.

Or, le résultat des actions en responsabilité à l’encontre des diagnostiqueurs s’est révélé très aléatoire.

Certaines décisions ont, en effet, retenu qu’il s’agissait d’une simple perte de chance subie par l’acquéreur, ne donnant droit qu’à être indemnisé d’une fraction du coût des travaux de désamiantage.

Pourtant, la Cour de cassation, par une décision rendue le 21 mai 2014 (Cassation Civile IIIème, 21 mai 2014, JCP Edition notariale 2014 n°22, Acte 655) a indiqué que l’entreprise qui est chargée d’établir le diagnostic amiante d’une maison doit rechercher la présence de ce matériaux et non se limiter à un simple contrôle visuel. La violation de cette obligation est sanctionnée par la mise à la charge de son auteur des frais de désamiantage de l’immeuble.

Malheureusement, et de manière très surprenante, les décisions des Cours d’appel ne se rallient pas au principe posé par la Cour de cassation.

Ainsi, dans une décision rendue postérieurement à l’arrêt de la Cour de cassation, le 2 octobre 2014, la Cour d’appel de PARIS retient que les opérations réalisées par le diagnostiqueur amiante n’ont pas été réalisées conformément aux règles de l’art, et que cette faute a causé à l’acquéreur un préjudice incontestable.

Toutefois , la Cour retient que ce préjudice ne saurait être équivalent au coût des travaux de désamiantage, dès lors que ces travaux auraient en tout état de cause été nécessaires, même si la présence d’amiante avait été connue avant la vente (…)

La Cour considère que la faute a seulement fait perdre à l’acquéreur la chance de négocier le prix à la baisse et l’évalue à 1/800èmes du prix de vente…

C’est bien peu puisqu’en l’espèce, les travaux de désamiantage avaient coûté presque 10 fois ce montant à l’acquéreur (coût des travaux de désamiantage 500 000 € pour un prix de vente de l’immeuble de 8 millions d’euros.

Il est vrai qu’il s’agissait en l’espèce d’un professionnel et que la décision de la Cour de cassation a été rendue au profit d’un acquéreur profane (un particulier).

Existe-t-il donc deux poids deux mesures en matière d’erreur de diagnostic amiante ?

Il semble nécessaire que la jurisprudence soit unifiée, et dans un sens protecteur des acquéreurs. A défaut, il faudra reconnaître que les diagnostics amiante sont des documents auxquels on ne peut apporter aucun crédit dès lors qu’ils n’engagent la responsabilité des diagnostiqueurs que de manière aléatoire, voire dérisoire.

Pierre-Yves Rossignol