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Exonération de taxe d'habitation: existe-t-il des cadeaux fiscaux?

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Sans conteste, la promesse faite à 80% des Français de les exonérer de taxe d’habitation a compté dans l’élection du Président Macron et sans conteste elle restera comme une mesure phare de sa politique du logement en particulier et de sa politique fiscale en général. Elle aura marqué également sa stratégie vis-à-vis des collectivités locales... Oui, cet allègement au profit des 4/5 des ménages, qui concernera finalement tout le monde, est consenti en première approche avec l’argent des communes. Il est évidemment question de compensation, mais les maires restent dubitatifs, habitués qu’ils sont à ce que l’État ne tienne pas parole.

En fait, la mesure coûtera 20 milliards d’euros. Trois fois rien! L’engagement présidentiel de faire bénéficier aussi les 20% les plus riches du pays aura alourdi l’addition de quelque 9 milliards sur les 20, qui eux ne sont pas budgétés à ce jour. Encore les résidences secondaires sont-elles exclues de la générosité présidentielle: il en eût coûté 2,5 milliards de plus. Des pistes sont envisagées: on transfèrerait le produit d’une partie de la taxe foncière, qui alimente les départements, aux communes. Les départements recevraient de leur côté de la TVA et l’État procèderait à la révision des bases cadastrales, en sorte que la taxe foncière puisse rapporter plus. Il a aussi été évoqué un impôt communal sur le revenu. Alambiqué? Oui, pour le moins. On s’y perd. La vraie question pour les Français contribuables demeure: la facture fiscale finale sera-t-elle majorée? Le pouvoir d’achat des ménages va-t-il se redresser? Rien n’est moins sûr.

Gérald Darmanin, le ministre des comptes publics, vient de nous rassurer: il n’y aura pas d’impôt national nouveau pour financer la mort de la taxe d’habitation. Tant mieux parce que depuis le quinquennat de Monsieur Macron un dizaine de ponctions inconnues sont apparues. D’ailleurs la Cour des comptes a très récemment montré du doigt ce qu’il est convenu d’appeler les petits impôts et la tendance à les multiplier. Mais faut-il avoir fait l’ENA pour comprendre que quoi qu’on fasse, ce sont bel et bien 20 milliards qui feront défaut et qu’on voit mal comment on les trouverait ailleurs qu’auprès des contribuables immobiliers...à l’heure où les entreprises sont regardées avec les yeux de Chimène par nos dirigeants et où l’immobilier est assimilé à une rente stérile. D’une manière ou d’une autre, il est à craindre que les Français paient le cadeau qu’ils ont reçu du Chef de l’État.

Oui, c’est clair: l’État et les collectivités locales doivent travailler à enveloppe constante de recettes, sauf à réduire leurs dépenses de fonctionnement ou d’investissement..., ce qu’en aucun cas elle ne feront au niveau de 20 milliards. La probabilité que certains, les propriétaires, paient pour tous, les habitants en général, est forte. C’est la taxe foncière qui va servir de variable d’ajustement à la fin. On peut regretter que la remise à plat de la fiscalité locale annoncée par l’exécutif n’ait pas précédé une décision ponctuelle: à l’arrivée, nous allons en faire les frais sans en tirer le bénéfice escompté, à savoir une hausse du pouvoir d’achat. C’est la méthode Macron: on frappe un grand coup et on voit ce que cela donne, avant d’ouvrir les grands chantiers. Le risque est juste que les Français se détournent de la propriété, à laquelle le Président soi-même associe des images peu flatteuses.

Au fait, le Président Macron ne veut-il pas une France de locataires? L’INSEE, qu’on se gardera d’imaginer à la solde du gouvernement, vient de rendre une étude qui corrèle le taux de chômage et le taux de propriétaires: le manque de nomadisme et de flexibilité attaché à la propriété semblerait pénaliser la capacité à trouver un emploi... De là à croire que notre Président est prêt à favoriser un lien plus moderne avec le logement, pour tout dire d’usufruit plus que de détention, il n’y a pas loin.

Henry Buzy-Cazaux